« C’est ma tournée ! » Cette petite phrase ne fait plus sourire les postiers. Leur rythme de travail mais aussi l’organisation de leurs journées sont régulièrement remis en question ces dernières années.
« La santé des postiers c’est l’avenir de la Poste et sa transformation ne se fera pas sans eux », a lancé Norbert Demé, secrétaire général adjoint à la fédération FO communication, à l'ouverture d'un récent colloque consacré à la souffrance des facteurs souvent au bout du rouleau. À ses côtés, le Pr Michel Debout, chef de médecine légale au CHU de Saint-Étienne, déplore que « la santé au travail reste encore à la marge du bon vouloir de l’employeur. » Selon lui, l’image bucolique du métier renvoyée par Dany Boon dans son film « les ch'tis » ne laisse pas imaginer la souffrance auxquels les facteurs sont exposés.
Responsables de centres de tri ou de services courriers : Jocelyne, Bénédicte et Nathalie sont unanimes. Le niveau d’exigence en termes de productivité qui pèse sur les 73 000 facteurs du pays pour desservir près de 38 millions de boîtes aux lettres chaque jour dépasse les bornes. D’ailleurs, les tournées peuvent désormais atteindre 100 km en voiture et jusqu'à 20 km à vélo ! Même si le sport est bénéfique pour la santé, celle des facteurs se dégrade.
4 fois plus d’arrêts de travail en 10 ans
Insécurité, menace sur les emplois, pénibilité accrue : une enquête menée l’an dernier dans des centres de tri du sud de la France dresse un tableau édifiant. L’insatisfaction au travail est deux fois plus élevée chez les facteurs que dans l’ensemble du personnel de la Poste. Parmi les causes de pénibilité au travail, 44 % d’entre eux affirment souffrir de nuisances thermiques, 22 % se plaignent de la manutention de charges lourdes. Sur un plan psychologique, 41 % dénoncent des situations tendues y compris des agressions verbales de la part du public et 29 % se sentent seuls. Des signes inquiétants qui imposent aux médecins du travail d’ouvrir l’œil.
Pas assez présents dans les CHSCT, les médecins eux-mêmes sont peut-être en souffrance au sein de l’organisation, avance le Dr Jean-Paul Kaufmant, ancien médecin du travail à la Poste.
Conséquence de la dégradation des conditions de travail : l’absentéisme a bondi de 9 000 à 40 000 jours d’arrêt de travail par an en moins de 10 ans, observe Jean-Claude Delgènes, fondateur du cabinet conseil en ressources humaines Technologia. Selon lui, ces mauvais résultats sont corrélés aux changements structurels. « Le réaménagement des agences postales qui misent plus sur la vente de produits financiers que sur le service courrier déstabilise le personnel », estime-t-il. En première ligne, les facteurs s’épuisent. L’absentéisme des postiers aurait déjà coûté 6 millions d’euros l’an dernier et des représentants du personnel n’hésitent pas à avancer le nombre de 60 suicides qui ont concerné toutes les strates du groupe.
« Personne ne veut faire remonter d’informations négatives et les syndicalistes n’ont pas à se prendre pour des toubibs », dénonce Éliane venue de la Nièvre. Les facteurs invitent donc les médecins du travail à les suivre pendant leur tournée. Mobilisés contre le projet de loi travail, les postiers estiment que leur boulot est loin d'être « simple comme une lettre à la Poste ». Et les facteurs sont désormais nombreux à avoir des sacoches… sous les yeux.
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