« Tenir aujourd'hui une conférence internationale sur les risques liés aux résidus médicamenteux sur l'environnement est visionnaire ; nous devons anticiper ces questions » a salué le Dr Maria Neira, directrice « Santé publique et environnement » de l'Organisation mondiale de la santé en introduction de ces deux jours de congrès.
Les connaissances actuelles sur les risques environnementaux liés aux résidus médicamenteux - antibiotiques, anticancéreux, antidépresseurs, anti-inflammatoires, stéroïdes et hormones (qui ne sont qu'un aspect des perturbateurs endocriniens) ou encore béta bloquants et agents de contraste iodés - sont lacunaires. Il s'agit de prévenir, sans alarmer : « Le niveau de risque pour l'homme, lié aux concentrations retrouvées dans l'eau potable dans les pays ayant des stations d'épuration de qualité, est très inférieur aux risques existant pour l'environnement, la faune et la flore », assure dans un premier temps le Pr Yves Lévi (groupe Santé publique et environnement, faculté de pharmacie Paris-Sud, et président du comité d'experts eau de l'ANSES). Avant de nuancer : « Il existe beaucoup d'incertitudes. Nombreuses sont les molécules au sujet desquelles nous n'avons pas d'information, sans oublier que le médicament n'est qu'un élément de la pollution. »
Le Pr Klaus Kümmerer (directeur de l'institut de chimie durable et environnementale, Leuphana, Allemagne) enchérit : « Les effets cocktails avec les autres polluants, mais aussi les conséquences sur le long terme sont très difficiles à évaluer ». Et d'émettre un doute sur la possibilité d'éclairer la toxicité des 4 000 molécules actives médicamenteuses et autres métabolites. L'évaluation étant indépendante de l'action politique, « il ne faut pas attendre pour autant pour prendre des mesures de précaution et s'engager dans le développement durable », dit-il.
Un plan national et des gestes simples
Le partage des savoirs lors de cette conférence est une première étape essentielle dans la gestion des risques, et répond même au second objectif (« consolider les connaissances pour adapter la lutte contre la pollution des eaux et préserver la biodiversité ») du plan micropolluants 2016-2021, que Ségolène Royal, ministre de l'Environnement, a lancé ce 8 septembre. « Une centralisation des données physico-chimiques, toxicologies et écotoxicologiques des médicaments permettrait de prioriser de manière plus efficace les molécules quant à leur risque de se retrouver dans les eaux », a-t-elle déclaré. Ce plan, qui fait suite à 3 plans nationaux (ciblant les polychlorobiphényls, les micropolluants 2010-2013, et les résidus de médicaments 2010-2015), prévoit aussi de réduire dès maintenant les émissions de micropolluants aux risques connus, et de dresser une nouvelle liste d'agents chimiques à éliminer.
Autres pistes citées en exemple par Ségolène Royal : le programme SIPIBEL-RILACT du Centre hospitalier Alpes Léman (à Bellecombe), qui identifie et agit sur les risques liés au rejet de médicaments, biocides et détergents, ou la politique suisse de traitement à l'aval de certaines stations d'épuration positionnées sur des cours d'eau fragiles.
Mais dès aujourd'hui, des gestes simples et surtout une prise de conscience générale sont possibles. « La chaîne de responsabilité est globale », interpelle le Pr Lévi, à l'heure où les traitements contre le cancer notamment, sont dispensés en ambulatoire… ou chez les vétérinaires pour les animaux domestiques.
Les experts invitent donc les médecins à sensibiliser leur patientèle et à rationaliser leurs prescriptions, ne serait-ce que pour lutter contre l'antibiorésistance. « Il n'est pas question de dégrader la santé publique. Mais il faut donner aux médecins des orientations intelligentes », a exhorté le Pr Lévi. Les patients sont incités à ramener leurs médicaments non utilisés en pharmacie et les conclusions de la dispensation à l'unité seront tirées. Les laboratoires pharmaceutiques, outre l'amélioration des stations d'épuration, devront se pencher sur des médicaments biodégradables, a noté le Pr Kümmerer.
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