L’ANCIEN PREMIER MINISTRE, qui a déjà dirigé la commission chargée de la révision de la Constitution, n’ignorait pas que certaines des idées du Comité Balladur allaient provoquer des réactions négatives. Bien que la gauche ait participé aux travaux, elle accuse la droite de vouloir se servir de la réforme des collectivités locales pour obtenir des avantages électoraux, un certain découpage permettant parfois de concentrer les électeurs d’un camp ou de l’autre dans les circonscriptions. Cette suspicion inévitable aurait dû être levée par la composition du Comité, d’autant que c’est Alain Marleix, secrétaire d’État aux collectivités locales, qui est chargée de réviser les circonscriptions. Édouard Balladur a déjà fait le tour des plateaux de télévision et a démenti tout ce qu’on a dit du contenu du rapport. Il jouait un peu sur les mots : les auteurs envisagent bel et bien de dépecer la Picardie ou Poitou-Charentes, de créer un Grand Paris qui engloberait les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne, de renforcer les grandes villes et de réduire le nombre des régions. Mais, souligne M. Balladur, il ne s’agit que de propositions.
Suprématie socialiste dans les régions.
Les socialistes sont d’autant plus vigilants qu’ils sont très bien implantés dans les villes et dans les régions (où leur suprématie est totale). Mais enfin, personne n’est vraiment opposé à une réforme territoriale, pour une raison simple : il y a pléthore de communes, de départements, de cantons et de régions et pléthore d’élus, 450 000 au total. On avait cru à une disparition des départements, mais le rapport ne propose la suppression d’aucun échelon territorial ; de ce point de vue, il est décevant. En même temps, comment ne pas imaginer les complications électorales et fiscales qu’entraînerait un découpage différent de la superficie nationale ? M. Balladur s’est empressé de faire savoir que ses propositions ne seraient pas applicables avant quelques années et donc que les élections régionales auraient bien lieu en 2010. Un scrutin où le PS a un avantage considérable puisqu’il détient 20 présidences de région sur 22.
Malgré ces assurances, on comprend que Ségolène Royal puisse être scandalisée par un projet qui la priverait de la présidence de sa région ou que Bertrand Delanoë soit inquiet de la dilution de Paris dans un ensemble beaucoup plus vaste. Mais les objections ne viennent pas seulement de la gauche, elles sont formulées par la plupart des élus, maires, conseillers municipaux, régionaux ou généraux qui craignent que la simplification ne se traduise par la disparition de leur propre poste électif. Et il n’y a pas que les élus. On se souvient, à propos des nouvelles plaques d’immatriculation, que le gouvernement envisageait de supprimer la mention du département, ce qui a soulevé un tollé, les Français étant aussi attachés à leur département qu’ils le sont à leur ville, à leur région ou à leur pays. Où est le bonheur de reconnaître son département d’origine en croisant une voiture ? Ne le cherchons pas dans la raison, mais dans un sentimentalisme qui, s’il est contrarié, se transforme, comme d’habitude, en violence verbale.
Toute le monde est pour, chacun est contre.
Bref, le gouvernement a renoncé, de même que M. Balladur et ses collègues ont renoncé à supprimer les départements et à limiter le nombre de ces 36 000 communes dont nous sommes si fiers mais qui sont parfois si petites qu’elles n’ont plus de poste, de médecin, de pharmacien et même de boulangerie.
Il nous semble donc que la réorganisation des territoires ne contient rien de vraiment révolutionnaire, mais qu’importe : si tout le monde est pour, chacun est contre pour des raisons spécifiques à un chauvisnisme de département, de commune, de rue et bientôt d’immeuble. M. Balladur a bien du courage de s’être lancé dans cette entreprise, même s’il n’en a pas eu assez pour proposer une réforme plus profonde, et d’autant plus nécessaire qu’à l’heure de l’Europe des 27, le quadrillage du territoire français en insignifiantes parcelles est à la fois ridicule, coûteux, impossible à gérer. Mais quoi, la France éternelle est celle d’un million de microcosmes.
Édouard Balladur n’est pas surpris par la levée de boucliers
LA FRANCE ÉTERNELE ? UN MILLION DE MICROCOSMES
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