DE SON PÈRE, elle tient le goût pour les questions sociales. De l’esprit normalien, elle a conservé le langage précis, l’art de la rhétorique. Marisol Touraine est une héritière. Épouse d’ambassadeur, sœur de PU-PH (son frère Philippe est endocrinologue à la Pitié-Salpêtrière), amie d’enfance de Pierre Moscovici. Une femme puissante - membre du Siècle - mais réservée, candidate pour un 3e mandat de députée, et depuis 2011 à la tête du conseil général d’Indre-et-Loire. Pas le genre mondaine ni boute-en-train, mais de contact facile une fois la glace brisée.
À 53 ans, Marisol Touraine hérite de son premier ministère. La santé et les affaires sociales, les mêmes attributions que celles que lui avait confiées François Hollande pendant la campagne. Jean-Marie Le Guen, qui était sur les rangs, a-t-il été disqualifié pour s’être affiché aux côtés de DSK pendant l’entre deux-tours, à l’anniversaire de Julien Dray ? Entre les deux ministrables, la forme plus que le fond a sans doute fait la différence. Marisol Touraine a beaucoup auditionné le monde de la santé en tant que députée et secrétaire nationale du PS, sa nomination est « amplement méritée », estime le maire PS de Chambray-lès-Tours, Christian Gatard. « Elle identifie parfaitement la multiplicité des acteurs et le poids des corporatismes », ajoute l’élu, par ailleurs directeur adjoint au CHU de Tours.
Un médecin internaute inquiet : « Elle déteste les libéraux ».
Ni énarque, ni professionnelle de santé, Marisol Touraine est agrégée d’économie. À ses côtés, un préfet comme directeur de cabinet (Jean-Luc Névache) et trois ministres déléguées, trois femmes. Xavier Bertrand siégeait rue de Varenne, elle a pris ses quartiers avenue de Ségur, dans les locaux historiques du ministère de la Santé. Un signe positif aux yeux de Bertrand Mas, militant socialiste et PH à Marseille : « C’est la preuve qu’elle sera elle-même le ministre de la Santé », analyse l’anesthésiste.
La ministre a commencé à composer son cabinet dès le jour de sa nomination. Déjà, sur son bureau, s’amoncellent les dossiers prioritaires. Au sommet de la pile, les retraites. Et, autre promesse de François Hollande, l’encadrement des dépassements d’honoraires. Le Dr Mas a eu l’occasion d’animer une réunion de campagne à Marseille avec Marisol Touraine, il lui fait confiance pour dépasser les corporatismes. « Les médecins ne sont pas l’électorat classique de la gauche. Je ne vois pas pourquoi elle aurait les coudées moins franches que ne les a eues Roselyne Bachelot », dit-il. La partie s’annonce tendue cependant, à en juger par certains commentaires postés sur le site du « Quotidien ». « Elle déteste les libéraux, la bataille va être rude », écrit un internaute. Un autre : « Marisol Touraine, suffisante et sectaire, à l’image de Pierre Moscovici, va réduire la médecine à un salariat ».
Charisme.
Dans sa circonscription, on loue le talent de négociatrice de Marisol Touraine, et l’on veut croire à ses chances de succès. « Son charisme lui permettra de renvoyer au placard ceux qui lui cassent les pieds, sourit Isabelle Reben, pharmacienne à l’hôpital de Loches. Je l’ai vue à l’œuvre lorsqu’elle a visité un EHPAD : elle a bien su gérer les choses avec l’ensemble du personnel, du médecin jusqu’à l’aide-soignante ». Christian Gatard, le maire de Chambray-lès-Tours, voit en la ministre une rassembleuse. « Elle a su fédérer les équipes et apaiser les tensions au conseil général, rappelle-t-il. Diviser pour régner, ce n’est pas son credo ». Marisol Touraine a ravi la présidence de l’Indre-et-Loire à Claude Boiron, désavouée l’an passé pour n’avoir pas su gérer les finances du département. Armée de patience, la fille du sociologue a su faire sa place en Touraine, une terre où les divisions socialistes sont profondes.
Les médecins libéraux qui l’ont côtoyée localement ont d’elle une bonne opinion. Le Dr Jean-Pierre Peigné, généraliste en secteur I, et président de la CMSF pour la région Centre (avant-dernière de France pour sa démographie médicale), a reçu le soutien de Marisol Touraine pour son projet de maison médicale de garde intégrée aux urgences de Loches. « La collaboration ville-hôpital marche bien ici, cela peut faire école, dit-il. Marisol Touraine y est favorable tout en sachant que cela n’est pas reproductible partout. Elle sera d’abord jugée sur sa capacité à gérer le dossier des dépassements. Marisol Touraine n’a pas la réputation d’être quelqu’un de facile : tout le monde devra mettre un peu d’eau dans son vin ».
Pas de baguette magique.
François Hollande a fait campagne sur la réduction des inégalités et la défense du service public ; c’est donc un hôpital public que la nouvelle ministre a choisi pour son premier déplacement, en Seine-Saint-Denis. Demain, elle prononcera son premier grand discours à Hôpital expo. Entre la FHF et elle, les vues convergent. Les hospitaliers placent en elle de grands espoirs. « Nous serons attentifs à la qualité du dialogue social et à la place qu’elle réservera à Avenir hospitalier au cours des négociations à venir », déclare Bertrand Mas, vice-président de l’intersyndicale de PH. « Les caisses de l’État sont vides, Marisol Touraine n’aura pas de baguette magique, mais j’attends d’elle des encouragements pour les praticiens qui font bien leur travail », conclut Isabelle Reben, présidente de la CME au CH de Loches.
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