Plus de 600 médecins et scientifiques français s'insurgent dans une lettre ouverte contre les tentatives de « détricotage » du Nutri-Score en France par les secteurs agricoles des fromages et charcuteries, certaines grandes multinationales, et les élus ou candidats des régions qui s'en font les relais.
Le projet de la Commission européenne de proposer fin 2022 un logo nutritionnel obligatoire pour l’Europe, suivant en cela les recommandations du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), a en effet suscité un tollé dans la filière agro-alimentaire. La Confédération générale de Roquefort (classé D ou E sur l'échelle en 5 couleurs) a par exemple dénoncé une « approche punitive » et demandé une exemption pour les produits AOP, au nom de la tradition et du respect du patrimoine gastronomique. « Des produits industriels ultra-transformés avec des conservateurs peuvent avoir A ou B, alors que nos produits de terroir très naturels, avec un cahier des charges garant de qualité sont stigmatisés », s'est plaint Sébastien Vignette, secrétaire général de la Confédération générale, soutenu par nombre d'élus d'Aveyron et d'Occitanie.
Plutôt qu'une exemption, le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie, a appelé fin octobre à « revoir la méthodologie » du système d'étiquetage facultatif en France depuis 2017, et objet de plus de 40 études scientifiques publiées dans des revues à comité de lecture. « Il faut faire en sorte que la méthodologie elle-même ne vienne pas à mal noter nos fromages et nos AOP », a-t-il déclaré lors du congrès de l’Association nationale des élus de la montagne au Grand-Bornand (Haute-Savoie).
Des confusions à déminer, au nom de la santé publique
Les signataires, dont, au premier rang, le fondateur du Nutri-Score, le Pr Serge Hercberg (Université Sorbonne Paris-Nord, Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle - EREN), dénoncent la confusion entretenue par les lobbys entre produit gastronomique du terroir et bonne qualité nutritionnelle.
« Même avec un label AOP/IGP, les fromages (comme les charcuteries) riches en acides gras et en sel, et caloriques restent riches en acides gras, en sel, et caloriques. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas en manger, mais comme tous les produits classés D ou E par Nutri-Score, ils peuvent être consommés dans le cadre d’une alimentation équilibrée, mais en petites quantités et pas trop fréquemment », lit-on dans la tribune.
Les signataires vont jusqu'à dénoncer la manipulation consistant pour les lobbys à se prévaloir des labels AOP ou IGP pour bloquer ou dénaturer le Nutri-Score qui ne valorise guère d'autres produits diffusés par les grands groupes (crèmes desserts, beurre, chocolat, etc.). Et accusent leurs relais politiques de défendre des intérêts économiques et électoralistes, au détriment des grands enjeux de santé publique auxquels la France est confrontée : obésité, cancers, maladies cardiovasculaires, diabète. « Ce qui doit compter avant tout, c'est l'intérêt et la santé des consommateurs », écrivent les scientifiques et médecins. Et d'appeler leurs confrères à signer la tribune « pour faire entendre la voix de la science face aux lobbys. »
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