DOMINIQUE VERSINI redit son inquiétude. Centré sur la pauvreté et ses conséquences sur les droits des enfants, son rapport annuel 2010 a en effet de quoi « faire pleurer », selon ses propres termes. Huit millions de personnes vivent en France sous le seuil de pauvreté, soit un revenu inférieur à 950 euros par mois (et la moitié ont moins de 773 euros par mois), dont deux millions d’enfants.
La situation est « gravissime », s’est exclamée la Défenseure. Les effets de la précarité ont des conséquences très lourdes sur la construction psychique et le devenir des enfants, dit le rapport. « Pourtant depuis 1998, il existe des lois pour protéger les plus vulnérables, des sommes extrêmement importantes ont été investies. Alors on ne peut pas dire qu’on n’ait rien fait. » Mais mal, manifestement. « J’ai l’impression de répéter les mêmes choses depuis des années (Dominique Versini a dirigé le Samu social jusqu’en 2002, date à laquelle elle a été nommée secrétaire d’État chargée de la lutte contre la précarité et l’exclusion). Il y a visiblement un problème de solidarité. »
De la périnatalité au saturnisme.
« Tous les professionnels de terrain disent que les enfants dont la situation socio-économique est délicate ont des difficultés à se concentrer à l’école, leur esprit étant trop mobilisé à la survie de leur famille », insiste la Défenseure. L’absence de logement a des conséquences directes sur la santé des enfants, en plus de leur scolarité et leur vie sociale. Les enfants pauvres subissent des inégalités croissantes dans l’accès aux soins, ce qui tend, affirme le rapport, à créer une médecine à deux vitesses.
La périnatalité n’est pas suffisamment mobilisée, déplore la Défenseure, « alors qu’il y a une survulnérabilité des familles en grande précarité ». Les enfants fréquentent de plus en plus les urgences hospitalières, ce qui crée une discontinuité dans leurs parcours de soins, puisqu’ils reçoivent des soins a minima lors d’épisodes aigus. « De nombreux médecins refusent de prendre en charge les patients CMU. C’est un problème. » Le risque de surpoids est multiplié par 3 chez les enfants et adolescents en situation de précarité. Le risque d’obésité, lui, est multiplié par 3 ou 4. En ZEP, 16 % des enfants ont des caries non soignées et connaissent des difficultés à obtenir des appareils dentaires et des lunettes. On constate par ailleurs une augmentation des grossesses chez les jeunes adolescentes (très liée, estime le rapport, à une contraception trop onéreuse parfois). 17 % des enfants touchés par le saturnisme vivent dans une famille bénéficiant de la CMU.
La T2A (tarification à l’activité) est un obstacle à la prévention et à la prise en charge des enfants pauvres, estime encore la Défenseure, qui dénonce également l’absence de coordination de la santé des enfants. La création d’un plan santé enfants/adolescents qui serait coordonné par les ARS (agences régionales de santé) qui suivrait son état de santé depuis sa naissance est l’une des 5 principales recommandations de l’institution.
Institution en péril.
« Le remaniement ministériel est pour nous un non-événement, a commenté Dominique Versini, puisqu’il n’y a pas création d’un ministère de la Famille. » En rendant public son rapport annuel, elle n’a pu s’empêcher de militer encore et encore pour le maintien de l’institution qu’elle dirige depuis 2006 et qui est menacée d’extinction, du moins de dilution (ce qui revient donc au même pour ceux qui s’en préoccupent). « Dilution » ou « regroupement » (selon le point de vue) avec la HALDE (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité), dont la présidente, Jeannette Bougrab vient d’entrer au gouvernement (au poste de secrétaire d’État à la Jeunesse et la vie associative), avec aussi le Médiateur de la République et également la Commission nationale de déontologie de la sécurité.
L’Assemblée nationale doit se prononcer sur son maintien. Le vote est prévu pour janvier. « La France serait le premier pays qui supprimerait cette institution, à l’encontre des recommandations des Nations unies », insiste Dominique Versini. L’Europe compte 37 défenseurs des enfants.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation