Impact sanitaire des changements environnementaux

Préserver les écosystèmes

Publié le 28/03/2012
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PREMIÈRE CONCRÉTISATION palpable du récent partenariat entre l’Institut Pasteur et Monaco, le colloque scientifique sur les « impacts des changements environnementaux sur la santé humaine » a réuni, la semaine dernière, dans un palace de la principauté, des experts internationaux d’horizons divers (histoire, écologie, entomologie, épidémiologie, génétique). Pour le Dr Diarmid Campbell-Lendrum (division santé publique et environnement à l’OMS), le changement climatique va surtout ébranler certains déterminants de santé clés tels que l’accès à l’eau potable, la sécurité alimentaire, le contrôle des maladies infectieuses ou la protection vis-à-vis des catastrophes naturelles. D’ici à 2050, entre 3 et 6 milliards de personnes vivront dans des régions en stress hydrique. À l’horizon 2020, certains pays africains verront leur production agricole diminuer de plus de moitié. Du fait du changement climatique, 170 millions d’Africains supplémentaires vivront dans des zones climatiques propices au paludisme d’ici à 2030. Invité de cette journée en la qualité de « grand témoin », Habid Ouane, ministre malien de l’Énergie et de l’Eau constate que dans certaines régions d’Afrique, la qualité de l’eau, des sols et de l’air s’est considérablement dégradée au fil des années. À l’image du bassin du fleuve Niger, « fortement fragilisé par des activités anthropiques et les évolutions climatiques », exposant plus de 110 millions de personnes au risque de pénurie d’eau. « Le changement climatique constitue l’une des urgences humanitaires de ce début de 21e siècle », considère Habid Ouane qui juge essentiel de « promouvoir une conscience écologique accrue au sein de nos populations ».

Une nouvelle maladie par an.

En matière de maladies infectieuses, le constat est alarmant rappelle le Pr Alice Dautry, directrice générale de l’Institut Pasteur. « Une nouvelle maladie infectieuse apparaît ou se développe quelque part sur la planète en moyenne chaque année. Avec le changement climatique de nouvelles maladies menacent voire atteignent déjà les pays occidentaux », souligne-t-elle. Mais comme le fait remarquer le Dr Pascal Delaunay (entomologiste médical et parasitologue au CHU de Nice), « le changement climatique n’est pas toujours impliqué dans les variations au sein des maladies vectorielles ». Les progrès techniques dans le domaine du transport international ont en effet grandement influencé les récentes évolutions épidémiologiques. Le Dr Delaunay cite l’exemple de cas autochtones de paludisme en Europe ou l’invasion du moustique tigre (vecteur de nombreux virus dont la fièvre jaune, la dengue ou le chikungunya) dans certaines régions du vieux continent. La diversité des maladies émergentes liées au climat va nécessiter le développement de nouveaux moyens diagnostics rapides et fiables, « préalables nécessaires à toute stratégie de prévention et de traitement », estime le Pr Alice Dautry. Anthony McMichael, épidémiologiste australien (Université de Canberra) insiste sur le fait que « préserver les écosystèmes d’aujourd’hui permettra de prévenir certaines maladies émergentes ». Pour le Dr Campbell-Lendrum, il est urgent de connecter efficacement les risques liés à la santé et à l’environnement. L’OMS estime que le changement climatique pourrait générer à lui seul une augmentation de 4 à 12 milliards de dollars des dépenses de santé dans le monde d’ici à 2030.

 DAVID BILHAUT

Source : Le Quotidien du Médecin: 9106