DE NOTRE CORRESPONDANT
LA GESTATION des regroupements des professionnels de santé n’est pas un long fleuve tranquille. En plus des méandres administratifs, les médecins investis dans des projets de pôles et de maisons de santé sont souvent confrontés au manque de concertation des élus… et à leurs ambitions parfois contradictoires. Les Drs Gilles Barnabé et Jérôme Mallard ont ainsi dénoncé les décisions « aberrantes » auxquelles ils ont personnellement dû faire face, lors de la deuxième journée régionale des pôles et maisons de santé qui s’est récemment déroulée à Gétigné (Pays de la Loire). Les deux médecins savent de quoi ils parlent. Le Dr Barnabé est président de l’association des pôles et maisons de santé libéraux (APMSL) des Pays de la Loire. Le Dr Mallard est impliqué avec trois autres médecins et trois professionnels de santé dans la création, l’an passé, d’une maison de santé à Torfou, à 15 km de Cholet. Dans leur viseur : deux maires qui ont cherché à tout prix à conserver un médecin dans leur commune alors qu’ouvrait cette nouvelle structure. « Parmi les cinq médecins qui exerçaient dans le secteur, nous étions quatre à être volontaires pour nous regrouper, raconte Jérôme Mallard. L’initiateur était un médecin de plus de 60 ans. L’idée était d’anticiper son départ à la retraite. Nous craignions un effet domino car son associé avait annoncé qu’il ne resterait pas seul en cabinet. Dès l’ouverture de la maison de santé, une jeune médecin nous a rejoints ». Un seul praticien du coin ne s’est pas associé au projet, contrairement à une dentiste, une orthophoniste et une pédicure-podologue. « Après un an de fonctionnement, une extension va bientôt se concrétiser pour accueillir un second cabinet dentaire », poursuit le Dr Mallard.
Unique ombre au tableau : la réaction de deux des quatre maires concernés. « Nous sommes à cheval sur deux départements et sur le territoire de trois communautés de communes, précise le Dr Mallard. Une de trois collectivités a construit les murs, mais les deux autres n’ont pas compris notre démarche. »
Des élus bloquent.
Deux des trois communes qui ont vu leur cabinet médical déménager vers la maison de santé ont pris l’initiative d’accueillir, juste après l’ouverture de cette dernière, deux médecins Roumains. « À cinq médecins dans la maison, on a du mal à faire face, donc cela se passe bien d’un point de vue professionnel, mais aujourd’hui, nous sommes huit médecins sur un même territoire, poursuit Jérôme Mallard. C’est ridicule ! »
Pour le Dr Gilles Barnabé, qui exerce dans la maison de santé de Clisson (Loire-Atlantique), c’est là un des exemples constatés sur le terrain d’une certaine « complexité des rapports entre professionnels de santé et élus ». « Dans la Sarthe, à La Ferté-Bernard (où la commune a été moteur pour créer un centre de santé avec des médecins salariés, NDLR), l’initiative des élus déstructure l’offre libérale, affirme le Dr Barnabé. En Loire-Atlantique, à Blain, un superbe projet collectif est bloqué par un président de communauté de communes. Cela a eu pour conséquence la scission même de l’association qui travaillait depuis trois ans. À Torfou, on voit que le consensus qui se dégage autour de l’utilité des regroupements vole en éclats car des élus veulent « leur » médecin, c’est absurde. »
Le Dr Barnabé rappelle que des « comités d’aménagement du territoire santé » ont été créés, qui réunissent dans chaque département les représentants de l’agence régionale de santé (ARS), les élus et les professionnels, justement pour piloter les projets. « Nous demandons que le travail de ces instances, où peu d’élus s’investissent, soit respecté », conclut Gilles Barnabé.
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