L’idée d’un « permis limité dans le temps », voire d’une interdiction de conduire pour les conducteurs âgés revient dans les médias chaque fois qu’un accident causé par un « senior » entraîne des victimes.
Pourtant, contrairement aux croyances, les personnes âgées sont impliquées dans bien moins d’accidents que les autres conducteurs. Quand ils le sont, les accidents sont moins graves car l’accident est rarement lié à la vitesse et à l’alcool. Les 75 ans et plus représentent 9 % de la population française, mais ne sont impliqués que dans 4,5 % des accidents corporels, avec parmi eux, deux tiers d’automobilistes et un tiers de piétons. En revanche, les personnes âgées meurent plus souvent que les jeunes à cause d’une fragilité liée à leur âge : en d’autres termes, elles « perdent plus d’années de vie que les autres, mais en font moins perdre aux autres impliqués ».
Mettre fin aux idées reçues
« Il est temps de mettre fin aux idées reçues sur la conduite des personnes âgées », estime le Pr René Amalberti, président du Comité Français de Médecine du Trafic (CFMT), qui vient de tenir une journée scientifique sur ce sujet. Comme le rappellent les organisations de médecins engagées dans la sécurité routière, une visite médicale obligatoire, voire d’autres mesures encore plus strictes, n’aurait aucun impact sensible sur les statistiques, et ce d’autant plus que la plupart des conducteurs âgés cessent d’eux-mêmes de conduire lorsqu’ils ne s’en sentent plus capables, essentiellement en cas de troubles visuels ou moteurs. Le vrai danger, estime le CFMT, ce sont les conducteurs âgés atteints de troubles cognitifs qui, non conscients de leurs déficiences, pensent au contraire qu’ils conduisent mieux que les autres. Ce sont eux qui doivent être dépistés, aidés et conseillés.
« Nos patients âgés nous parlent rarement de leur conduite, mais leurs proches nous alertent souvent à ce sujet », relève le Dr Philippe Lauwick, président de l’Automobile-Club Médical de France. Les médecins doivent toutefois savoir que, pour la plupart des patients, sauf peut-être ceux qui vivent dans les centres des grandes villes, bien desservis par les transports publics, cesser de conduire équivaut à une« mort sociale » souvent difficile à supporter, et génère de nombreux problèmes tant pratiques que psychologiques.
Des tests d’aptitude peu utilisés
Aujourd’hui, différents tests permettent aux médecins de mesurer l’aptitude de leurs patients âgés à la conduite, même s’ils restent insuffisamment utilisés par les praticiens, notamment pour des raisons de temps et de formation. Ce sont surtout les processus complexes, comme traverser une intersection, mais aussi les imprévus ainsi que les changements de trajets ou d’habitudes qui peuvent perturber les personnes âgées, y compris dans le cadre d’un vieillissement normal. À l’inverse, les automatismes résistent mieux au temps, et à la démence.
Souvent, des conseils simples peuvent suffire lors d’un entretien avec un patient : cesser de conduire la nuit, faire des trajets courts et des pauses, éviter la conduite dans les grandes villes et ne pas conduire en cas d’intempéries. Mais il est vrai que la plupart des conducteurs qui ressentent une déficience visuelle ou motrice anticipent déjà ce type de conseil, le problème étant, là encore, celui du déni et des déficits cognitifs. Au-delà d’un certain stade, les patients déments arrêtent de toute manière de conduire car ils n’en sont plus capables.
Pas de moyen coercitif
Les médecins libéraux ne disposent d’aucun moyen coercitif pour empêcher un conducteur non professionnel de conduire, mais devraient s’assurer que les conducteurs souffrant de troubles cognitifs et leur entourage ont pris conscience de leur état. Ceci doit permettre au patient de s’adapter à cette situation, en réduisant ou en arrêtant totalement la conduite. Toutefois il ne faut pas oublier que la pratique des loisirs, qui justifie 40 % des déplacements des personnes âgées, est fondamentale pour la prévention des démences, tandis que plus d’un patient âgé sur deux prend sa voiture pour aller chez le médecin. Dans tous les cas, les médecins ne doivent pas inciter trop tôt les patients à arrêter de conduire, car l’isolement et la désocialisation peuvent avoir de graves conséquences et aggraver les troubles cognitifs.
Connaître les vrais enjeux médicaux et sociaux de la conduite des personnes âgées permet de mieux répondre aux interrogations qui se posent, concluait le CFMT.
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