Alors que le million de Français vaccinés contre le Covid-19 a été dépassé, la Haute Autorité de santé (HAS) préconise d'allonger le délai entre les deux doses « pour accélérer la vaccination et faire face à la flambée épidémique ». Selon des modélisations de l'Institut Pasteur, ce sont ainsi 700 000 personnes supplémentaires qui pourraient être protégées au cours du premier mois de campagne vaccinale. Mais cette position ne fait pas l'unanimité.
Que ce soit pour le vaccin à ARNm de Pfizer/BioNTech ou celui de Moderna (les deux disponibles en France), la HAS propose d'attendre jusqu'à six semaines pour la deuxième dose, alors que les fabricants préconisent respectivement un délai de trois et quatre semaines. Début janvier, l'Agence française du médicament (ANSM) avait déjà fait part d'un avis favorable à cet allongement pour le vaccin de Pfizer/BioNTech, « au vu des circonstances actuelles spécifiques, afin d’élargir la couverture vaccinale des personnes prioritaires ». Santé publique France avait suivi en se montrant également favorable à une telle stratégie.
La HAS appelle à une mise en œuvre rapide
La HAS considère « que cette mesure ne sera efficace qu’à la condition qu’elle soit mise en œuvre rapidement et que les doses de vaccins soient réservées effectivement aux populations les plus à risque de forme grave de Covid-19 ou de décès », c'est-à-dire les personnes de 75 ans et plus, puis les personnes de 65 ans à 74 ans en priorisant celles qui présentent des comorbidités.
« L’arrivée de nouveaux variants sur le territoire national et l’actuelle recrudescence épidémique rendent urgente une accélération de la vaccination dans les plus brefs délais », justifie la HAS, souhaitant qu'un maximum d'individus reçoivent une première dose avant une possible dégradation de la situation sanitaire.
Selon l'autorité sanitaire, le risque de perte d'efficacité est limité. « Les résultats des essais de phase 3 pour les vaccins à ARNm montrent une efficacité du vaccin Comirnaty de Pfizer/BioNtech qui débute à partir du 12e jour après la première dose et celle du vaccin de Moderna à partir du 14e jour après la première dose », précise-t-elle. L'efficacité entre deux doses, évaluée dans les essais, serait suffisamment importante pour espacer le délai. Le vaccin Pfizer/BioNTech affiche ainsi une efficacité de 52 % après la première dose. Les données de la littérature sont néanmoins diverses. Des chercheurs israéliens (Clalit Research Institute) rapportent une efficacité moindre chez les 60 ans et plus, tandis qu'elle pourrait atteindre 89 % entre les jours 15 et 21 suivant la première dose selon l'agence britannique Public Health England.
La crainte d'un terrain favorable pour les variants
Par ailleurs, argumente également la HAS, « l’expérience acquise en vaccinologie montre que l’espacement des doses au sein d’un schéma vaccinal peut retarder l’obtention d’une protection durable mais permet aussi l’obtention d’une réponse immune de niveau plus élevé après la dose suivante ». Un constat que partage l'Académie nationale de médecine.
L'Académie soulève néanmoins d'autres points d'inquiétude. L'institution craint pour « la persistance d’un taux d’immunité faible, voire insuffisant, pendant les semaines supplémentaires précédant la seconde injection » et estime qu'au niveau collectif, une couverture vaccinale élargie mais avec un taux d'immunité faible constitue « un terrain favorable pour sélectionner l’émergence d’un ou de plusieurs variants échappant à l’immunité induite par la vaccination ».
Une inquiétude relayée également par l'UFML-Syndicat, évoquant « le risque de sélection de variant favorisé par la rencontre du SARS-CoV-2 avec de faibles protections immunitaires ». Le syndicat dénonce également une « recommandation sans fondement médical » et « un jeu dangereux qui mise sur la certitude de la réception de quantité de vaccin suffisante pour assurer la deuxième dose, alors que la crise de Covid-19 a montré que l’avenir était constamment pavé d’incertitudes ».
Pas de marge de sécurité
MG France s'inquiète aussi de cette absence de « marge de sécurité dans un contexte où les livraisons de vaccins semblent chaque jour plus aléatoires aussi bien en termes de quantité que de calendrier ». De plus, « l’objectif de 700 000 vaccinés supplémentaires avancé par la HAS ne pourrait être atteint qu’en déprogrammant des rendez-vous déjà pris pour la deuxième dose, estime le syndicat. Cela ne semble pas envisageable sans risquer de désorganiser profondément les centres de vaccination ».
Si la Haute Autorité reconnaît des incertitudes (risque d’émergence de variants échappant à la vaccination, efficacité à long terme d'une dose unique), elle rappelle l’absence de position consensuelle entre les pays sur la question du schéma vaccinal.
Mis à jour le 26 janvier 2021
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