par Christian Hervé et Bernard Devalois
LE 25 JANVIER, 3 propositions de loi affirmant donner une réponse législative à ce qui est improprement nommé « un droit à mourir dans la dignité » seront discutées au Sénat. Elles proposent la création d’un droit au suicide assisté et d’un droit à une injection létale à la demande d’une personne de confiance, préalablement désignée. L’analyse de ces textes démontre à notre sens qu’ils ne sauraient répondre à la complexité des situations, souvent dramatiques, de fin de vie.
Des lois précisent déjà ce que le consensus social entend par une fin de vie, et une mort, dignes. Cette réflexion repose sur la volonté que la raison supplante les idéologies, que les patients ne soient pas exclus des décisions, qu’ils soient soulagés selon leurs besoins et qu’ils ne soient victimes d’aucun « acharnement ». Sur le plan législatif cela a conduit à reconnaître le droit à la lutte contre la douleur en 1997, le droit aux soins palliatifs, permettant de mourir soulagé et accompagné, en 1999, le droit en 2002 accordé au malade de refuser le traitement qui lui est proposé. Enfin, depuis 2005, la loi accorde au patient le droit de ne pas subir d’obstination déraisonnable afin de laisser mourir en paix ceux qui sont arrivés au terme de leur vie. Cette loi, dite « Leonetti », qui interdit l’acharnement médical, est donc venue utilement compléter le dispositif garantissant les droits des patients. Elle s’intègre dans la notion de démocratie sanitaire qui ne peut se résumer au seul recueil du consentement. Elle conduit au recul d’un paternalisme médical désuet et des excès qui faisaient que, coûte que coûte, des traitements étaient administrés sans prendre en compte le projet de vie intime des patients. De nouvelles pratiques médicales sont apparues : l’information et le consentement, la personne de confiance, les directives anticipées, la collégialité de décisions non hiérarchiques, l’implication des équipes et des familles. Il s’agit de la reconnaissance juridique d’une « éthique clinique de responsabilité » au lit du patient. Les médecins se doivent de mieux les connaître et de mieux les appliquer, pour que le plus grand nombre de patients puisse en bénéficier.
Cette évolution législative doit-elle désormais se poursuivre, comme le proposent certains sénateurs, pour répondre à des personnes qui invoquent leur droit à disposer de leur corps ? Au prétexte d’une autonomie de décision des individus, la société peut-elle imposer aux médecins de les faire mourir ? Pour nous, aucun sujet (et surtout pas les questions autour de la fin de la vie et de la mort) n’est tabou. Mais les implications éthiques sont telles qu’il ne serait pas acceptable que ces thèmes soient simplifiés et instrumentalisés. La médecine doit s’occuper du mourir, non de faire mourir : ce serait une contradiction éthique qui ne pourrait que créer la confusion tant chez les médecins que chez les patients. La nécessaire médicalisation du mourir, partie intégrante de l’accompagnement de fin de vie, est bien différente d’une médicalisation légalisée du faire-mourir.
Contre-sens.
Une législation affirmant un droit à attenter à sa propre vie est certes théoriquement envisageable, même si elle n’apparaît pas véritablement nécessaire (attenter à sa propre vie est une liberté depuis 1791). Mais faire intervenir un tiers médecin irait à l’encontre de ce qui légitime la pratique médicale : la confiance accordée dans la volonté de préservation du malade. Le risque serait grand alors de voir cette confiance entamée par la suspicion, au seul bénéfice d’une minorité invoquant son droit à une demande d’assistance médicale pour faire mourir. Ce serait s’inscrire contre le rôle dévolu à la médecine, telle qu’il est prescrit depuis 2 000 ans par tous les textes d’éthique, d’Hippocrate (IVe siècle avant JC) à Maimonide (1150 après JC) et jusqu’aux actuelles décisions du Conseil de l’Europe. Vouloir légiférer sur des pratiques d’injections létales serait légitimer ce qui ne peut, éventuellement, se concevoir que dans une situation particulière. À notre sens, il convient alors que soient assumées clairement les responsabilités (y compris pénales) des auteurs. Ainsi ces décisions ne peuvent qu’avoir un caractère exceptionnel et transgressif.
Réclamer un droit à mourir est une banalisation de la mort. Cela conduit à un contre-sens sur ce que le médecin a comme éthique et comme obligations morales. Or, c’est justement vers une responsabilisation des actions de chacun que notre société doit tendre. Tant les proches que les professionnels de santé doivent rester vigilants sur cette responsabilité vis-à-vis du mourant. Il faut rendre les citoyens conscients des solidarités nécessaires afin de lutter contre la solitude et l’exclusion des personnes en fin de vie. C’est une telle évolution que nous souhaitons, dans une société réaffirmant la prééminence du lien social, solidaire et intergénérationnel.
* Société française d’accompagnement et de soins palliatifs
Dès 60 ans, la perte de l’odorat est associée à une hausse de la mortalité
Troubles du neurodéveloppement : les outils diagnostiques à intégrer en pratique
Santé mentale des jeunes : du mieux pour le repérage mais de nouveaux facteurs de risque
Autisme : la musique serait neuroprotectrice chez les prématurés