Une mission fluviale commence forcément au dégrad. Ce mot, faisant partie du jargon guyanais, désigne le débarcadère, lieu névralgique des bourgs et villages guyanais bâtis en bord de fleuve. Au dégrad de Maripasoula, l’équipe médicale charge une pirogue en bois, avant de grimper dedans. Les piroguiers allument le moteur, direction l’amont du fleuve et le pays amérindien wayana.
Après quelques heures de navigation entre des rives recouvertes d’une épaisse forêt équatoriale, la première halte se fait à Kayodé. Quelques pirogues amarrées sur la berge marquent la porte d’entrée fluviale du village, qui se fait discret derrière les arbres.
C’est au bruit du grincement d’une brouette mal huilée que la mission annonce son arrivée. Dedans, de lourdes caisses contiennent le nécessaire médical : une pharmacie complète, une malle d’urgence, une glacière OMS contenant les vaccins, les dossiers médicaux des patients, des balances, des tables pliantes... Un passage à la petite école primaire finira d’annoncer la présence de l’équipe.
Consultation sous un carbet
Elle est composée d’un infirmer, d’une interne, d’un médecin et d’une sage-femme exceptionnellement absente. Un agent de santé qui jouera le précieux rôle de traducteur se joindra à l’équipe par la suite. Le temps que les enfants arrivent munis de leur carnet de santé, elle s’installe sous un carbet, structure en bois, sans mur, ouverte aux quatre vents, mais recouverte d’un toit offrant une protection contre la pluie qui aime à tomber inopinément sous ces latitudes équatoriales.
Alors que le turn over des soignants est fort dans la région, cela fait une vingtaine d’années que le Dr Pignoux se rend en pays wayana. Il travaille actuellement pour le CPV de Maripasoula. En raison d’une compétence partagée, la zone compte deux structures de santé : le CPV géré par la Conseil général et le Centre délocalisé de Soins et de Prévention sous la tutelle du Centre hospitalier de Cayenne (voir article Maripasoula). Tous deux basés à Maripasoula mènent des missions fluviales chaque mois.
L’équipe du CPV assure les consultations pédiatriques et gynéco-obstétricales, ainsi que les vaccinations et la contraception. Et un cas en amène un autre : une mère qui amène son enfant pour une vaccination, se voit remettre le résultat de son test d’imprégnation au mercure (voir article sur le mercure) la concernant et discute contraception. Lors des missions fluviales s’ajoutent d’autres soins et traitements que l’état de santé des habitants peut nécessiter.
Quatre heures de consultations à Kayodé et la pirogue repart. Kayodé, Palassissi, Pelèya, Palimino, Pidima, Elahé... quatre jours de mission au cours desquels le fleuve égraine ses hameaux amérindiens au fil des rapides. En tout, le pays wayana compte environ un millier d’habitants. À Palassissi, trois habitations en bois hébergent une vingtaine de personnes. « Ce sont des consultations de circonstance. On ne sait pas s’il y aura du monde », explique le médecin qui tient tout de même au passage de la mission dans ces hameaux. Un passage qui lui permet de faire de la « santé publique clinique », dont il regrette « la quasi inexistance en France ». Ce suivi systématique de la population permet des diagnostics précoces.
Le décor change d’un village à l’autre, mais le rituel du chargement et du déchargement du matériel reste le même. Si l’itinérance est de mise, la mission a tout de même un camp de base dans le village d’Antecume Pata. Plus important que les autres, on y trouve un poste de santé. En pays wayana, deux villages comptent ainsi la présence continue d’un infirmier dans un poste géré par le centre hospitalier de Cayenne.
SAMU a portée de téléphone satellitaire
Une réserve de médicaments, une salle de consultation, un lit et un fauteuil de dentiste, une salle d’attente en bois constituent le poste de santé. Dans une pièce, un téléphone satellitaire permet à l’infirmier d’appeler des médecins pour des conseils et le SAMU pour les urgences, qui peut décider d’envoyer l’hélicoptère pour évacuer un patient. Le passage du médecin est un moment important pour l’infirmier, qui hormis ces quelques jours, assure à lui seul les soins avec l’aide d’un agent de santé originaire du village. François, qui a été en poste infirmier en site isolé pendant une dizaine de mois, explique que « le plus difficile n’est finalement pas tant les urgences, car il y en a peu, mais c’est le fait d’être seul, de faire des consultations toute la journée. On fait une quinzaine de consultations par jour. En tant qu’infirmier nous ne sommes pas formés à ça ».
Et avec la présence du médecin, le rythme s’accélère. Lorsque la tournée médicale s’achève après quatre jours, elle a à son actif 130 consultations et une cinquantaine de vaccinations.
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