« Si un vaccin contre le Covid-19 arrivait aujourd'hui, accepteriez-vous de vous faire vacciner ? ». À cette question posée en septembre dernier par la fondation Jean-Jaurès, les femmes répondaient « non » à 50 %. Quels facteurs sociologiques pourraient expliquer ce phénomène ?
Cette étude sur la réticence vaccinale menée dans un échantillon représentatif de 1 030 adultes montre a contrario que les hommes n'étaient que 35 % à opposer un tel refus. On retrouve ce « fossé » entre les genres chez toutes les catégories socioprofessionnelles. Un constat partagé par la récente étude Coviprev de Santé publique France chez 2 000 participants en métropole : les hommes sont plus enclins que les femmes à se faire vacciner.
Les Français figurent parmi les plus réservés au monde à l'idée de se faire vacciner contre le Covid-19. En cause, la suspicion quant à l'efficacité et la crainte des effets secondaires. L'étude Coviprev montre ainsi que la raison principale avancée par les vaccino-sceptiques est que « les vaccins ne sont pas sûrs ».
Pourquoi les femmes semblent-elles les plus concernées par cette peur ? En effet, si les deux sexes partagent le même niveau de scepticisme concernant l'efficacité d'un nouveau vaccin, les femmes semblent plus nombreuses que les hommes à en craindre les effets indésirables : 52 % contre 35 % dans l'enquête de la fondation Jean-Jaurès.
La vaccination, une « affaire de femmes »
D'après les sociologues de la santé interrogés par le « Quotidien », la répartition des rôles au sein de la famille expliquerait en partie la différence concernant la défiance à l'arrivée d'un nouveau produit médicamenteux. « Les femmes sont généralement en charge des questions de soin et de santé au sein de la famille, et a fortiori des vaccinations. Elles développent donc une plus grande sensibilité aux risques d'effets secondaires sur les enfants, éclaire Jérôme Gaillaguet, doctorant en sociologie sur l'hésitation vaccinale. Je pense que les généralistes le voient dans leur pratique : la vaccination est plutôt une affaire de femmes. Dès qu'il y a des enfants, celles-ci sont "en charge" concernant leur santé, et le mari aura tendance à "suivre". »
La journaliste scientifique Lise Barnéoud abonde, guère surprise par les résultats de ce sondage. L'auteure du livre « Immunisés ? Un nouveau regard sur les vaccins » a remarqué au gré de ses enquêtes que « dans les couples où il y a des avis divergents, la plupart du temps, c'est la mère qui est opposée au vaccin ». Alors que le père penche généralement pour une vaccination des enfants.
Pourtant, le vaccin anti-Covid n'est pas encore indiqué, ni même testé chez les enfants. Et, même les femmes de moins de 25 ans, peu nombreuses à avoir des enfants, sont davantage vaccino-réticentes que leurs congénères masculins, toujours d'après l'enquête de la fondation Jean-Jaurès. « Cela ne remet pas en cause l'interprétation du "care" spécifiquement féminin, expose Antoine Bristielle, expert à la fondation Jean-Jaurès et chercheur en science politique au laboratoire PACTE. Les jeunes femmes y sont conditionnées bien avant de se reproduire. Leurs inquiétudes peuvent d'ailleurs très bien concerner leurs parents âgés. » D'ailleurs, les femmes affichent en général des niveaux d'anxiété plus élevés que ceux des hommes. D'après un sondage Ipsos de novembre 2020, 73 % des femmes disent avoir peur de l’avenir, contre 63 % des hommes.
Vers une inversion de la tendance ?
Depuis le début de la pandémie, d'autres sondages avaient relevé cette différence entre les genres concernant l'éventualité d'un vaccin. D'après le consortium Coconel (COronavirus et CONfinement), qui mène une enquête longitudinale en ligne sur la crise actuelle, la différence entre les hommes et les femmes sur le refus vaccinal varie de 10 à 30 %, selon les questionnaires. « Elle est en tout cas toujours présente », atteste Jérémy Ward, sociologue au CNRS et membre du consortium.
Dans l'histoire récente des vaccins, cette crainte prononcée de la gent féminine paraît se manifester dès lors que des doutes émergent, fondés ou non, sur d'éventuels effets indésirables. « On avait déjà constaté cette distance hommes-femmes sur trois autres vaccins : HPV, H1N1 et l'hépatite B », relate Jérémy Ward.
Parce qu'elles sont éduquées à y prêter davantage attention, la santé est donc bien « une affaire de femmes ». Leur constitution biologique les invite aussi à côtoyer le corps médical tôt dans leur vie et à intervalles réguliers : suivi gynécologique, syndrome du côlon irritable, douleurs menstruelles, contraception, ménopause, etc. « En raison de leur relation intime avec tout ce qui a trait à la santé, les femmes pourraient in fine tout à fait finir par afficher un taux de vaccination anti-Covid supérieur à celui des hommes », projette Jérémy Ward.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation