LE QUOTIDIEN - BMS souhaite s'engager plus avant dans la lutte contre le SIDA. De quelle manière ?
ROBERT LEFEBVRE -Dans le cadre d'un programme philanthropique, « Secure the future », lancé en mai 1999 et d'une valeur de 115 millions de dollars américains, nous sommes intervenus tout d'abord en Afrique australe et, depuis peu, en Afrique francophone. Ce programme sponsorise la recherche, l'éducation et le travail des associations locales en Afrique subsaharienne. Il y a par ailleurs l'initiative ACCESS, lancée en mai 2000, avec quatre laboratoires et cinq agences du secteur public, dont l'ONUSIDA et la Banque mondiale. Dans le cadre d'ACCESS, BMS s'est engagé à mettre à la disposition des pays africains ses deux produits antirétroviraux (didanosine - Videx - et stavudine - Zerit - NDLR) au prix de 1,60 dollar américain, soit une réduction de 90 % des prix pratiqués en Amérique du Nord et en Europe. Nous avions déjà accordé une réduction de 40 % des prix à l'Afrique, lors du lancement de nos produits en 1994. Pour le moment, quatre pays (Sénégal, Rwanda, Ouganda, Côte d'Ivoire) se sont engagés à assurer un accès au traitement et bénéficient donc de ces prix. Nous sommes en discussion avec une dizaine de pays. Trois d'entre eux devraient s'engager d'ici un mois. L'Afrique du Sud ne nous a jamais contactés, malgré nos propositions.
Manifestement, l'Afrique du Sud privilégie le principe de l'importation de génériques.
Le traitement par antirétroviraux ne fait pas partie du plan national de lutte contre le SIDA du gouvernement de l'Afrique du Sud. Depuis des années, nous vendons nos produits en Afrique du Sud au secteur privé. Nous répondons aux appels d'offres du gouvernement, émis dans différents domaines thérapeutiques, par des prix inférieurs à ceux pratiqués dans le secteur privé. Le gouvernement sud-africain n'a jamais fait d'appel d'offres sur les antirétroviraux.
Que va changer le procès intenté par 39 firmes pharmaceutiques, dont BMS à Pretoria ?
La loi, promulguée il y a trois ans, donne le droit au ministre de la Santé de lever la propriété intellectuelle de n'importe quel produit dans n'importe quel domaine thérapeutique. Cela sans répondre aux normes des accords TRIPS (accord général sur les aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce) de l'OMC.
N'est-ce pas une procédure légale ?
Cette proposition de loi ne respecte pas, d'après nous, les droits de propriété intellectuelle qui existent. Elle date d'il y a trois ans et n'avait rien à voir avec le VIH. Elle est même contraire aux lois déjà existantes en Afrique du Sud et aux accords TRIPS. Le gouvernement d'Afrique du Sud pourrait fort bien faire un appel d'offres sur les antirétroviraux. Mais il ne le fait pas. Par ailleurs, BMS n'a pas de brevet sur le Videx en Afrique du Sud et a suspendu le brevet sur le Zerit. Nous n'avons d'ailleurs de brevet ni sur le Videx ni sur le Zerit dans les autres pays d'Afrique qui empêcherait d'utiliser ces médicaments. N'importe quel génériqueur peut se présenter sur un marché africain de façon légale. Et rien n'empêche l'Afrique du Sud de faire ce qu'elle veut avec ces produits. La loi n'est donc pas nécessaire.
Un engagement des gouvernements
Dans la lutte contre le SIDA, quelle part revient, selon vous, aux laboratoires et qu'attendez-vous des autres ?
Il faut un engagement sûr et solide des gouvernements locaux, une volonté de leur part de faire la guerre au SIDA. Il faut encore renforcer les capacités d'infrastructures et de soins dans les pays africains. Ils n'ont ni suffisamment de médecins formés à la prise en charge des malades du SIDA, ni les laboratoires de diagnostic requis, ni les ressources pour améliorer l'infrastructure de soins. L'argent doit donc venir d'ailleurs. Alors qui doit payer, qui peut payer ? Que veulent les gouvernements des pays riches ? Les pays africains doivent disposer de systèmes de distribution sécurisés. Nous pouvons les aider sur ces questions. Mais nous ne pouvons pas tout faire. Nous faisons ce que nous pouvons.
Que pensez-vous de l'initiative commune de l'OMC et de l'OMS d'étudier les moyens d'améliorer l'accès des pays pauvres aux médicaments essentiels ?
La question est malheureusement posée de façon très limitée : elle ne concerne que le prix des médicaments. Or la problématique est plus large : que doit-on faire pour trouver une réponse pour l'accès aux soins ? Quelles sont les ressources nécessaires et comment les mobiliser ?
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