I LS contrôlent plus des trois quarts de l'Afghanistan et s'efforcent, actuellement, de faire tomber les derniers bastions de la résistance, au nord et dans le centre du pays. Les taliban, étymologiquement « étudiants islamistes », formés au Pakistan durant l'invasion soviétique, imposent, depuis 1996, par la force et par les armes, un intégrisme absolu en Afghanistan.
Les femmes ont été leurs premières victimes, assignées à domicile le soir-même où les taliban se sont emparés de Kaboul, la capitale, en septembre 1996. Ecoles et travail interdits, elles sont, à quelques nuances près, cantonnées aux tâches ménagères. Comme elles sont toujours enfermées dans leur tchadri, le voile islamique, sommées de ne rien dévoiler de leur corps, dès qu'elles quittent l'enceinte de leur maison. « Nous risquons notre vie à chaque instant pour des gestes qui sont anodins chez vous », explique Latifa, femme afghane, comme Homa et Diba, toutes trois sorties clandestinement de Kaboul et venues témoigner, à l'Assemblée nationale, de la « souffrance de leurs surs ». « La femme a perdu toute dignité en Afghanistan », reprend-elle, en racontant qu'un jour, « lors d'une fête musulmane, des militaires en voiture se sont arrêtés pour frapper aux jambes, avec une espèce de fouet rempli de plomb une femme portant des chaussures blanches, la couleur du drapeau des taliban. Elle n'avait plus la force de se défendre. Oui, je sais, je suis une criminelle, disait-elle ».
Avant 1996, Homa était gynécologue. Elle ne peut plus exercer aujourd'hui : « Avec les taliban, nous avons fait un bond de plusieurs centaines d'années en arrière ». « Pour détruire un peuple on commence souvent à s'attaquer aux femmes », a estimé Raymond Forni, président de l'Assemblée nationale, plaidant pour une « solution politique au problème de l'Afghanistan ».
Sur place, les organisations non gouvernementales (ONG), notamment Médecins sans Frontières (MSF) et Médecins du Monde (MDM), se battent pour imposer et agrandir « un espace de soins ». « En Afghanistan, dans les zones contrôlées par les taliban, le système de soins ne tient que grâce aux ONG. Il y a des hôpitaux, mais ils fonctionnent avec des fonds limités », explique Pierre Salignon, responsable de programme sur l'Afghanistan à MSF. Kaboul est plutôt bien desservi en matière de soins. Depuis la crise de 1997, provoquée par une directive du ministre afghan de la Santé, interdisant aux femmes d'exercer et d'être soignées dans les hôpitaux, sauf un - l'hôpital de Rabir Balkhi -, l'accès aux soins des femmes s'est nettement amélioré dans le pays, selon les organisations humanitaires.
Le gouvernement afghan est revenu sur sa décision. « Ce n'est pas l'idéal évidemment, note Pierre Salignon. Les femmes arrivent tardivement pour se faire soigner. Mais ce n'est pas lié qu'aux taliban. C'est aussi la conséquence de vingt ans de guerre, d'un mode de vie traditionnel où le rôle de la femme reste limité. C'est aussi la conséquence d'une peur légitime et tenace. La crise de 1997 n'a fait que renforcer la peur des femmes. Cette interdiction a marqué les esprits. » A Kaboul notamment, où, là plus qu'ailleurs, les femmes se savaient sur le chemin de la liberté, avant l'arrivée des taliban.
Malgré les descentes de la police religieuse, les ONG parviennent à « toucher » les femmes et les enfants. Beaucoup de cliniques d'accès aux soins materno-infantiles ont été ouvertes depuis 1997. Malgré la répression morale - il est difficile d'accueillir en consultation une femme quand on est un médecin homme -, les hommes soignent les femmes et certaines femmes continuent à travailler. Toutes les structures de MSF emploient un personnel mixte. « Certaines (femmes médecins) préfèrent travailler dans le bazar, souligne Pierre Salignon. Elles ouvrent de petits cabinets privés, comme les hommes. »
Famine et réfugiés
La souffrance de la femme afghane est une réalité. Elle ne doit pas néanmoins masquer le reste : la famine et l'errance des populations afghanes, fuyant les zones de sécheresse et de combat. « On cherche à alerter le plus possible », insiste Julien Bousac, chargé de programme Afghanistan à Médecins du Monde. A Herat, autre grande ville du pays, où MDM a ouvert trois centres de protection maternelle et infantile, 80 000 à 100 000 afghans, venus du centre de l'Afghanistan, sont rassemblés dans un camp. Chaque semaine, 2 500 familles supplémentaires arrivent. « Une catastrophe humanitaire » menace l'Afghanistan, selon MDM. La milice intégriste des taliban a refusé la cessation des combats, demandée par le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR), pour permettre l'acheminement d'une aide humanitaire.
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