DIRECTEUR du département des sciences humaines de la faculté de médecine, professeur de philosophie et d’éthique médicale, Pierre Le Coz est vice-président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Il a été membre du Conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine (ABM) de 2005 à 2008*. Lors du congrès mondial sur le sang de cordon, qui se déroulait du 4 au 7 novembre à Marseille, Pierre Le Coz a été censuré, sans explication. Il n’exclut pas l’hypothèse d’une influence discrète de l’antenne locale de l’ABM. Son intervention devait porter sur les aspects éthiques du sang de cordon ombilical et de sa conservation. Interrogé sur le projet de révision de la loi bioéthique proposé par le gouvernement, Pierre Le Coz a indiqué qu’il regrettait que le gouvernement n’ouvre pas la voie à la conservation autologue de sang placentaire (« le Quotidien » du 6 septembre).
Aujourd’hui, en France, la collecte du sang de cordon est réalisée par des maternités affiliées au réseau français de sang placentaire piloté par l’ABM. Créé en 1999, ce réseau regroupe les banques publiques de sang de cordon qui le conserve à des fins de greffes allogéniques. Toutefois, pour Pierre Le Coz, restreindre cette conservation à des fins allogéniques, c’est se priver de toute une voie de recherche concernant la thérapie cellulaire et la médecine régénérative. À terme, indique-t-il, cette recherche peut être, notamment, une alternative à la transplantation d’organes et également à celle sur l’embryon, laquelle « pose certainement plus de problèmes éthiques que la recherche sur le sang de cordon ». Pierre Le Coz s’étonne enfin de l’absence d’un débat, en France, sur les banques de sang de cordon.
Délégation d’autorité.
Professeur d’éthique médicale à l’université Paris-sud 11, Emmanuel Hirsch est, quant à lui, directeur de l’espace éthique Assistance publique-Hôpitaux de Paris (centre collaborateur pour la bioéthique de l’Organisation mondiale de la santé). Dans le cadre du plan Alzheimer 2008-2012, il coordonne l’Espace national de réflexion éthique sur la maladie d’Alzheimer qui sera lancé officiellement le 10 décembre. Il a été membre du Conseil d’orientation de l’ABM puis en a démissionné.
Alors que la révision de la loi bioéthique doit être présentée devant le Parlement en début d’année prochaine, Emmanuel Hirsch s’inquiète d’une évolution proposée : « Plutôt que de préserver dans un domaine aussi sensible la valeur du débat démocratique, on semblerait s’orienter vers la fixation d’une loi-cadre reprenant quelques grands principes. Ce serait alors à l’Agence de la biomédecine que serait confiée en fait la responsabilité globale des questions de bioéthique. Quand on connaît la complexité des situations induites par l’innovation biomédicale, une telle délégation d’autorité surprend et inquiète. »
Selon lui, le véritable défi est désormais « d’inventer des modalités pluralistes et transparentes d’anticipation et d’arbitrage des questions de bioéthique. Elles ne sauraient être confiées à une instance d’experts, alors qu’il convient au contraire d’associer le corps social, les professionnels de la santé et de la recherche avec notre représentation nationale dans une délibération publique moderne. Les états généraux de la biomédecine, quelles que puissent être leurs insuffisances, constituent de ce point de vue une préfiguration d’une des modalités de gouvernance qui s’impose. »
Emmanuel Hirsch coordonne« le Traité de bioéthique », ouvrage en trois tomes qui bénéficie de la contribution de 170 auteurs, « tous reconnus dans la diversité de leurs champs de compétence ». Ce traité de bioéthique vise à « réconcilier les valeurs humaines du soin avec les pratiques biomédicales innovantes dont la haute technicité bouleverse parfois nombre de principes et de repères ». Les trois tomes sont publiés aux Éditions Ères (fin novembre, 19,50 euros).
*Constitué d’experts scientifiques et médicaux, de représentants d’associations, de personnes qualifiées et de membres de diverses institutions (dont le CCNE et la Commission des droits de l’homme), ce conseil veille « à la cohérence de la politique médicale et scientifique de l’Agence ainsi qu’au respect des principes réglementaires ».
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