Ordonnances falsifiées dans le 92

Bras de fer entre les pharmaciens et l’assurance-maladie

Publié le 24/03/2010
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LA CAISSE primaire d’assurance-maladie des Hauts-de-Seine (92) a décidé de s’attaquer frontalement au problème des ordonnances falsifiées, et refuse depuis un an de rembourser les pharmaciens qui délivrent en tiers payant des médicaments frauduleusement prescrits, mais pourtant très légalement délivrés.

Émoi chez les syndicats de pharmaciens d’officine qui, s’ils reconnaissent la nécessité de lutter contre de telles fraudes, s’inquiètent d’être « pris en otage par la CPAM », selon l’expression de Gilles Bonnefond, président délégué de l’USPO (Union des syndicats de pharmaciens d’officine). « Nous n’avons aucun moyen de savoir qu’une ordonnance est falsifiée ou apocryphe, indique le patron de l’USPO. Nous sommes tout à fait d’accord pour travailler avec les caisses à la prévention ces fraudes, et nous le demandons depuis plus de six mois sans succès. Mais nous ne pouvons accepter de payer l’addition alors que nous n’y sommes pour rien ».

La caisse primaire du 92 envoie bien des mails ou des fax aux pharmacies du département, pour les prévenir de l’existence d’ordonnances trafiquées, avec des renseignements précis permettant leur identification. Mais ces envois sont limités aux Hauts-de-Seine, ainsi qu’aux départements voisins de Seine-Saint-Denis et des Yvelines, alors que rien n’empêche un assuré social fraudeur du 92 d’aller se faire délivrer des médicaments à l’autre bout de la France. Si bien que dans un communiqué commun, la FSPF (Fédération des syndicats pharmaceutiques de France), l’UNPF (Union nationale des pharmacies de France) et l’USPO « recommandent à l’ensemble des pharmaciens exerçant en dehors du département des Hauts-de-Seine de refuser d’accorder le tiers payant à tous les ressortissants de la CPAM du 92, (à l’exception des cas où ce tiers payant est obligatoire), dans l’attente de la régularisation de cette situation ».

À la CPAM des Hauts-de-Seine, Dominique Poisson-Bortot, responsable du département de lutte contre les fraudes, reconnaît que des instructions ont été données pour ne pas rembourser les pharmaciens qui délivrent, par mégarde, des médicaments illégalement prescrits. Mais elle ajoute qu’ « il y a des pharmaciens qui délivrent des médicaments à partir d’ordonnances incohérentes, ou manifestement falsifiées, ou comprenant des noms de médicaments si mal orthographiés que la volonté de fraude est manifeste. Sur d’autres ordonnances encore, la signature du médecin est remplacée par un cœur dessiné ». Pour Dominique Poisson-Bortot, la caisse primaire est bien obligée de se protéger contre ces fraudes ; elle précise que grâce à cette procédure, le nombre de fausses ordonnances est tombé à 32 (pour 1,4 million de bénéficiaires) en 2009. Et elle poursuit : « Les pharmaciens disent que nous sommes dans l’impossibilité de connaître le caractère frauduleux de l’usage d’une ordonnance avant la mise en œuvre de contrôles informatiques approfondis. C’est vrai, mais eux ont l’original sous les yeux, ils sont beaucoup mieux armés que nous pour découvrir la fraude. » Quant à la volonté des pharmaciens de refuser le tiers payant, elle la laisse de marbre : « Sauf dans quelques cas particuliers, comme les bénéficiaires de la CMU ou les accidents du travail, les pharmaciens n’ont pas l’obligation de faire du tiers payant. »

 HENRI DE SAINT ROMAN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8736