Immigration, commerce, démocratie

C'est plus d'Europe qu'il nous faut

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Publié le 14/06/2018
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C'est plus d'Europe qu'il nous faut

C'est plus d'Europe qu'il nous faut
Crédit photo : AFP

Lundi dernier, le ministre français de l'Economie, annonçait une bonne nouvelle en signalant que la France et l'Allemagne approchaient d'un compromis au sujet de la convergence de leurs systèmes fiscaux. Mais lundi également, nous avons assisté à un phénomène sans précédent depuis 73 ans : le refus du gouvernement italien d'accueillir dans l'un de ses ports le bateau d'une ONG qui venait de sauver quelque 700 migrants. Phénomène à la fois scandaleux et curieux. Le refus a été opposé au navire par Matteo Salvini, chef de la Ligue, qui, à la faveur des élections législatives, est devenu vice-président du conseil et ministre de l'Intérieur. Il a suggéré à l'ONG d'appareiller vers Malte, qui a, elle aussi, refusé l'accueil des migrants. C'est l'Espagne qui s'est dévouée pour les recevoir parce que la chute du gouvernement de Mariano Rajoy (centre droit) s'est traduite par la formation d'un gouvernement dirigé par un socialiste, Pedro Sanchez.

La décision de Rome est inacceptable. Même si elle a pris plus que sa part du fardeau migratoire, l'Italie ne peut pas engager une politique dépourvue de l'humanité la plus élémentaire. Elle s'est rendue coupable, dans ce cas précis, de non-assistance à personne en danger. Si elle l'a fait, c'est certes parce que M. Salvini n'a aucun scrupule et doit démontrer à ses concitoyens qu'ils ont choisi un changement « salutaire », mais aussi parce que, depuis le début de la décennie, les Italiens ont été contraints, au nom des principes qui ont fondé les démocraties de l'Union européenne, de donner asile à des centaines de milliers d'immigrants, sans que le reste de l'Europe s'en soit ému ou ait offert de partager la tâche. 

De la même manière, le président des Etats-Unis, Donald Trump, ayant signifié au G7 qu'il entendait désormais faire cavalier seul, les Européens n'ont désormais que le choix de se réorganiser sans l'Amérique. L'inconvénient d'un hyperpuissance est que sa force, si elle est mise au service d'un programme protectionniste et isolationniste, bouleverse les relations internationales et commande à l'Europe d'assurer sans les Etats-Unis sa prospérité et la préservation des idées qui la fondent. On peut continuer à croire que le mandat de M. Trump n'est qu'une parenthèse historique, mais il n'est pas impossible qu'il soit réélu, d'autant qu'il se montre plus intraitable à mesure que s'approchent les élections de novembre. Lesquelles renouvellent la totalité de la Chambre des représentants et un tiers du Sénat. En Amérique comme en Italie, les mesures démagogiques sont forcément populaires. On ne peut attendre aucun répit ni des Italiens, ni du gouvernement américain.

Ce que l'Union peut faire

On peut en revanche signifier à la coalition Cinq étoiles-Ligue que, si elle ne veut pas que l'Italie finisse comme la Grèce, elle doit jouer le jeu européen. Les membres  de l'Union et de la zone euro, principalement la France et l'Allemagne, sont en mesure de tenir la dragée haute au nouveau pouvoir italien. Mais ils ne peuvent le faire que s'ils parviennent à proposer aux Etats-membres de l'Union une nouvelle donne migratoire à laquelle chacun d'entre eux devra se plier. L'Allemagne qui a été exemplaire en acceptant près d'un million d'immigrés syriens il y a trois ans peut, si elle le veut, tenir un langage ferme aux pays membres, lesquels doivent cesser de croire que l'Union n'est qu'une source d'argent facile pour les grands projets alors que, en accordant des droits, elle impose aussi des devoirs.

Aujourd'hui, l'euroscepticisme se nourrit de mille promesses qui ne seront jamais tenues, et relève de la manipulation des foules ou de la démagogie. S'il est vrai que l'immigration favorise des choix électoraux délétères, les dirigeants européens doivent rappeler ce qu'est la vocation de l'Union et que c'est en la renforçant et non en l'affaiblissant qu'on résoudra les crises contemporaines du continent.

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin: 9673