QU’EST-CE QUI nous différencie les uns des autres ? Pourquoi tous les humains sont-ils à la fois tellement pareils et tellement différents ? Jusqu’ici, il était admis que nous étions tous globalement semblables parce que nous partagions 99,9 % d’identité génétique. Nos différences et nos spécificités individuelles résidaient dans seulement 0,1 % de notre patrimoine génétique. Mais une étude, publiée par la revue « Nature », affirme aujourdhui que la diversité génétique humaine serait bien plus importante : au moins 12 % du génome humain varieraient d’un individu à l’autre.
CNV pour « Copy Number Variations ».
Les variations génétiques qui participent à la diversité des individus d’une même espèce sont de natures multiples. Leur taille peut être tellement importante qu’elles sont visibles par simple observation des chromosomes au microscope ou si petite qu’elles ne concernent qu’un seul nucléotide. Récemment, plusieurs équipes de recherche ont mis en évidence des variations génétiques de taille intermédiaire, des délétions, des insertions ou des duplications dont la longueur est comprise entre quelques kilobases et quelques mégabases. Ces variations ont été baptisées CNV pour « Copy Number Variations ».
En règle générale, chaque information génétique contenue par un génome (qu’il s’agisse d’un gène ou d’un fragment d’ADN non codant) est présente en double exemplaire, une copie étant d’origine maternelle et l’autre d’origine paternelle. Mais, de par l’existence des CNV, il arrive que certains fragments du génome soient sur- ou sous-représentés chez certains individus. Ce phénomène va souvent conduire à des modifications de l’expression génétique qui peuvent avoir des conséquences phénotypiques importantes. L’absence ou la surabondance de régions régulatrices du génome, tout comme celles de gènes codant pour des protéines dont l’activité est liée à leur concentration dans la cellule, vont conduire à une altération des processus cellulaires normaux et parfois même induire des situations pathologiques.
270 personnes possédant des origines diverses.
Ainsi, la variation du nombre de gènes codant pour la globuline est responsable de diverses pathologies hématologiques, comme l’alpha-thalassémie. A l’opposé, certains CNV peuvent conférer un avantage aux individus qui les portent. Il a par exemple été récemment démontré que chaque copie additionnelle du gène CCL3L1 atténue le risque d’infection par le VIH.
Redon et coll. ont voulu en savoir plus sur les CNV présents dans le génome humain, notamment sur le nombre et leur diversité. Dans ce but, ils ont comparé les génomes de 270 personnes possédant des origines diverses (asiatique, africaine ou européenne).
Ce travail leur a permis de mettre en évidence pas moins de 1 447 CNV couvrant 360 mégabases, soit 12 % du génome. Plus de la moitié de ces variations concernent des régions codantes du génome humain, et Redon et coll. estiment qu’environ 10 % des gènes humains sont affectés par ces variations.
Lors d’une seconde étude*, la même équipe a procédé à la comparaison de deux génomes humains de référence, celui obtenu par l’entreprise Celera Genomics et celui du programme international de recherche publique « Génome humain ». Plusieurs mégabases de différences entre les deux génomes ont été mises en évidence, confirmant les résultats précédents. Selon les auteurs, ces différences avaient déjà été observées. Mais jusqu’à présent, personne n’avait cru à la réalité de leur existence. On préférait croire qu’elles étaient dues à des erreurs de séquençage ou d’assemblage des fragments génomiques séquencés.
La question de la « référence ».
Dans un commentaire qui accompagne l’article de Redon et coll., Kevin Shianna et Huntington Willard, de l’université de Duke (Durham, Californie du Nord), imaginent que les 1 500 CNV mis en évidence aujourd’hui par l’équipe américaine ne représentent probablement que «la partie émergée de l’iceberg». L’analyse d’un plus grand nombre de génomes fera certainement apparaître une diversité génétique interhumaine encore plus importante. Se pose alors la question de la « référence » et de la « normalité ». Si le génome humain présente tellement de variations d’un individu à l’autre, il devient difficile en effet de définir ce qu’est le génome humain « normal », quel est celui qui pourrait servir de référence pour la recherche de variations pathologiques.
Redon R. et coll., « Nature » du 23 novembre 2006, pp. 444-454.
* Khaja R. et coll., « Nature Genetics », édition en ligne avancée.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature