Si « Le Généraliste » était paru en juillet 1911

Comment on punissait les fraudes alimentaires en 1481

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Publié le 04/07/2016
Histoire

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Les pauvres gens qui fréquentent les foires et les marchés sont souvent trompés et déçus par les paysans portant des denrées gâtées ou fraudées, telles que : œufs pourris et couvés, lait écrémé et mouillé, beurre renfermant navets ou pierres… Il ne s’agit pas là, comme on pourrait le croire, de plaintes d’aujourd’hui ou d’hier, naïvement exprimées par une cuisinière bourgeoise au début du XXe siècle. Ces paroles sont empruntées à une supplication que les consuls, bourgeois, manants et habitants de la ville d’Ambert présentèrent en 1481 à messire Jacques de Tourzel, « seigneur d’Allègre, de Viverois, de Rios et du pays du Livradois, de Saint-Just, de Chomelys et autres terres ». Les quatre consuls en charge exposaient à Jacques de Tourzelles « cautèles et larcins » qui se commettaient et se perpétraient dans leur ville : « Sans cesse, il y a complaintes, procès et différends ; tumultes, noises et débacts y sont mus, sur et à l’occasion desdits faits, bourgeois et paysans se chamaillant et se pelaudant les uns et les autres ». Ils concluaient en le suppliant de mettre fin par d’énergiques mesures à une situation aussi intolérable.

Jacques de Tourzel n’hésita pas : voulant à toute force « faire quitter de tant fâcheuses, laides et abominables pratiques et punir aigrement du monde si grand délinquant », il « voulut et ordonna » que dans les trois cas ci-dessous énumérés, telles punitions soient appliquées.

« À tout homme ou femme qui aura vendu lait mouillé, soit mis un entonnoir dedans sa gorge, et ledit lait mouillé entonné jusques à tant qu’un médecin ou barbier dise qu’il n’en peut, sans danger de mort, avaler davantage.

« Tout homme ou femme qui aura vendu beurre contenant navet, pierre ou autre telle chose, sera saisi et bien curieusement attaché à notre pilori du Pontel. Puis, sera ledit beurre rudement posé sur sa tête, et laissé là tant que le soleil ne l’aura entièrement fait fondre. Pourront les chiens le venir lécher, et le menu peuple l’outrager par telles épithètes diffamatoires qu’il lui plaira, sans offense de Dieu, du roi ou d’autres ? Et si le temps ne s’y prête pas et n’est le soleil assez chaud, sera ledit délinquant en telle manière exposé, dans la grand’salle de la geôle, devant un grand feu, où tout un chacun le pourra venir voir.

« Tout homme ou femme qui aura vendu œufs pourris ou gâtés, sera pris au corps et exposé sur notre pilori du PonteL Seront lesdits œufs abandonnés aux petits enfants qui, par manière de passe-temps joyeux, s’ébattront à les lui lancer sur le visage ou dessus ses habillements, pour faire rire le monde. Mais ne leur sera permis jeter autres ordures. »

(« Le Journal des débats », repris par « Paris médical « , 191)


Source : lequotidiendumedecin.fr