Si « Le Généraliste » était paru en 1909

Comment on se plaignait de la dépopulation au XVIIIe siècle

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Publié le 18/08/2017
histoire

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« Les jeunes gens sont presque tous aujourd’hui énervés dès l’âge de vingt ans. Ils portent les excès du collège dans un monde où ils entrent malheureusement trop tôt, et deux ou trois ans de la vie mondaine les réduisent à ne plus pouvoir digérer, ni soutenir aucune sorte de fatigue.

« Nos pères faisaient quatre repas, jouaient au mail, à la paume et maintenant on a l’air de vouloir toujours s’évanouir : de là cette triste dépopulation dont chacun se plaint.

« Ajoutez à ces maux que le luxe est une autre source du mal que nous déplorons. Un mari, pour soutenir son faste, se borne à ne vouloir qu’un enfant et fraude en conséquence les droits du mariage.

« Ce serait sûrement la plus affreuse vexation de vouloir forcer tout le monde à se marier. Il ne suffit pas d’être fille ou garçon pour avoir les qualités propres au mariage. Tant de mauvais ménages, qui font la ruine des familles, ne sont aussi communs que parce qu’on se marie sans y être appelé.

« Que la Police arrête les progrès de la débauche autant qu’il est possible ; que l’État accorde des grâces aux nombreuses familles ; qu’on réduise la multitude des laquais, ces hommes qu’on arrache à la charrue et qui viennent en foule à Paris grossir la chaîne des libertins ; qu’on fasse main basse sur le luxe immodéré, qu’on s’abstienne des ragoûts et des liqueurs, et qu’on fasse usage de l’eau, et l’on verra qu’on peut avoir des moines dans un royaume et jouir des avantages d’une bonne population. Il faut avouer que ces pauvres moines, parmi lesquels, je conviens qu’il y aurait de grandes réformes à faire, sont destinés à servir de risée à nos beaux esprits, car en même temps qu’ils les accusent de fréquenter les plus jolies femmes, ils leur reprochent la dépopulation du pays. » (Des véritables intérêts de la patrie, par de Forges. À Rotterdam, 1764)

Ne croirait-on pas ces lignes écrites d’hier ? Il y a 150 ans, non seulement on déplorait que la France se dépeuplât, mais on signalait les fraudes conjugales, l’aversion des jeunes gens pour le mariage, l’exode des ruraux vers les villes, l’abus de l’alcool et des mets épicés. Il n’y a que sur l’utilité des moines que nous différons d’avis avec nos ancêtres, et encore sommes-nous si loin d’être en désaccord avec eux, même sur ce point ?

L’humour français ne perd jamais ses droits.

(Dr A.C., Chronique médicale, 1909)


Source : lequotidiendumedecin.fr