Traitement adjuvant dans la maladie de parkinson

Controverses sur le rapport bénéfice - risque du Motilium

Publié le 30/06/2014
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Crédit photo : PHANIE

Un article de la revue Prescrire a récemment fait état d’un risque de décès accru en cas de prise de dompéridone. « Cette information a provoqué l’arrêt subit de ce traitement chez certains patients et une réticence à se le voir prescrire, chez d’autres, constate le Pr Corvol. Or il faut bien comprendre que dans la maladie de Parkinson, il n’existe pas d’autre alternative possible pour réduire les nausées induites par les traitements de la maladie de Parkinson : ce sont donc potentiellement plus de 100 000 malades Parkinsoniens qui sont concernés ».

Irremplaçable

«Les médicaments antiparkinsoniens activent les récepteurs de la dopamine dans le cerveau mais aussi dans le reste de l’organisme, entraînant des effets indésirables tels que troubles digestifs ou chutes de tension. La dompéridone est un antagoniste des récepteurs de la dopamine mais a la particularité de ne pas pénétrer (ou très peu) dans le cerveau contrairement aux autres médicaments de la même classe thérapeutiques (neuroleptiques). Cette particularité pharmacologique permet d’utiliser la dompéridone pour contrer les effets indésirables périphériques des médicaments antiparkinsoniens, sans entraver leur efficacité sur les symptômes neurologiques. Or il n’existe aujourd’hui aucun médicament ayant des propriétés pharmacologiques équivalentes à la dompéridone. C’est bien cette absence d’alternative thérapeutique qui le rend irremplaçable en l’état » insiste le Pr Corvol.

Allongement de QT

Comme pour tout traitement, il faut prendre en compte la balance bénéfice – risque. Le risque de mort subite avancé par la revue Prescrire n’est pas nié : il est lié au fait que la dompéridone allonge l’espace QT, un paramètre du rythme cardiaque. « L’allongement du QT peut provoquer des troubles du rythme, potentiellement mortels, c’est vrai. Mais cet effet est partagé par tous les antinauséeux de la même classe thérapeutique (neuroleptiques) et par la majorité des anti nauséeux utilisés pour les chimiothérapies anticancéreuses. Plusieurs dizaines d’autres médicaments ont également cette propriété, le risque étant plus élevé chez les sujets ayant déjà un QT  long  ou en co administration avec d’autres médicaments. Pour la dompéridone, le risque augmente avec la dose administrée et avec l’âge du patient. Toutefois, ces données sont connues et les neurologues en tiennent compte ». En revanche, le risque d’arrêter brutalement la dompéridone chez des patients Parkinsoniens à qui il a été prescrit à bon escient, n’a pas encore été évalué, lui. C’est pourquoi il faut savoir raison, garder !

La maladie de Parkinson : un cas particulier à prendre en compte

Stopper brutalement la dompéridone sans évaluation réelle de son bénéfice – risque, peut surtout entraîner l’arrêt ou une diminution du traitement de la maladie de Parkinson et donc, son aggravation ! C’est pourquoi les neurologues s’inquiètent aujourd’hui de la demande de la revue Prescrire, d’arrêter la commercialisation de la dompéridone, sans autre forme de procès. « Contrairement à ce que la revue a avancé, le métoclopramide ne peut absolument pas remplacer la dompéridone dans cette indication pour la simple raison qu’elle ne ferait qu’aggraver la maladie étant donné qu’il s’agit d’un neuroleptique. En outre, le métoclopramide allonge également le QT ».

Saisies du problème, la PRAC et l’agence nationale de sécurité des médicaments recommandent pour l’instant de bien respecter les contre-indications en cas de trouble du rythme, de ne pas dépasser la dose quotidienne orale de 30 mg – ce qui est faisable – et de ne pas dépasser 7 jours de prescription… Ce qui n’est pas tenable pour les patients sous pompe à apomorphine qui délivre cet agoniste de la dopamine en continu. En effet, ces patients peuvent être gênés en continu par des nausées au point de ne plus supporter leur traitement si rien n’est fait pour les arrêter.

«Si les neurologues sont dans l’ensemble d’accord pour revoir la prescription de dompéridone avec chacun de leur patient, ils ne peuvent accepter que soit remis en cause le traitement antiparkinsonien, au nom d’un risque supposé de trouble du rythme cardiaque de la dompéridone. Nous demandons plutôt à refaire une étude d’efficacité avec une méthodologie de bonne qualité, pour prouver (ou non) que ce traitement présente bien une balance bénéfice/risque favorable dans cette indication précise » conclut le Pr Corvol.

D’après un entretien avec le Pr Jean-Christophe Corvol, CIC Pitié Neurosciences (INSERM CIC-1422), ICM, INSERM UMRS1127, CNRS UMR7225, UPMC, Département des Maladies de Système Nerveux, Hôpital Pitié-Salpêtrière à Paris.

DR Nathalie Szapiro

Source : Bilan spécialistes