Recommandations et études phares dans la maladie coronaire

De réelles évolutions

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Publié le 07/09/2017
SCA ST

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Crédit photo : Phanie

Dans les syndromes coronariens aigus (SCA) ST+, l’angioplastie primaire reste le traitement de première intention, mais la thrombolyse reprend sa place en fonction des délais de prise en charge, qui sont simplifiés. « Le délai commence au moment du diagnostic, indique la Pr Florence Leclercq. Ainsi dans les 12 premières heures après le début des douleurs, l’angioplastie primaire est indiquée si le délai de reperfusion est estimé à moins de 120 minutes, transfert et prise en charge intra-hospitalière inclus. Si ce délai est estimé à plus de 120 minutes, il faut faire une thrombolyse, et ceci même dans le choc cardiogénique ».

Il faut donc privilégier le traitement qui permet de reperfuser le plus rapidement, en sachant qu’une thrombolyse nécessite moins de 10 minutes pour être réalisée contre 79 mn pour une angioplastie selon des données récentes.

Autre évolution : l’intégration des aspects électrocardiographiques atypiques pour la décision de coronarographie. Auparavant, seuls les blocs de branche gauche étaient pris en compte, désormais les blocs de branche droite et les ECG d’interprétation difficile doivent aussi conduire à réaliser une coronarographie en urgence s’il y a un contexte clinique évocateur.

L’oxygénothérapie n’est plus systématique mais réservée aux patients dont la saturation en O2 est < 90 %. Il en est de même pour les opiacés, qui ne doivent être administrés qu’en cas de douleurs importantes car ils exposent au risque de vomissements et modifient l’absorption des autres traitements, notamment des antiagrégants. Il ne faut par ailleurs plus faire appel à la contrepulsion dans le choc cardiogénique (niveau III, c’est-à-dire déconseillé), sauf en cas de complications mécaniques de l’infarctus du myocarde (IDM), pour améliorer l’état hémodynamique avant la chirurgie.

Les recommandations affirment clairement que seuls les stents actifs de nouvelle génération doivent aujourd’hui être utilisés, y compris quand le risque hémorragique est élevé. La thromboaspiration en routine est pour sa part rétrogradée (niveau III) car elle n’a finalement que peu de valeur ajoutée et s’accompagne d’un risque accru d’accident vasculaire cérébral.

Elles indiquent également, sans être très précises, qu’il est possible de faire une revascularisation multitronculaire pendant l’hospitalisation, stratégie qui est même conseillée pendant la même procédure en cas de choc cardiogénique (niveau IIa). « Le problème de la fibrillation atriale (FA) qui survient à l’occasion de l’infarctus est aussi abordé de façon pragmatique, puisqu’il est préconisé d’anticoaguler au long cours si le score CHADs est élevé comme dans la FA survenant en dehors de l’infarctus », précise la Pr Leclercq.

Durée du traitement antithrombotique

« Après la revascularisation, le traitement antithrombotique se fonde sur une bithérapie (DAPT) de 12 mois, en ayant recours en première intention au ticagrelor ; les indications du prasugrel sont plus restrictives, tandis que le clopidogrel est désormais réservé aux contre-indications des deux autres molécules ». Cette durée optimale d’une année peut être prolongée au-delà, non pas en fonction du type de stent implanté mais en fonction du profil du patient. « Il faut se référer aux nouveaux scores de risque dont le score de risque DAPT, qui tiennent compte de différents paramètres liés au patient (diabète, âge, antécédent d’infarctus ou de pontage notamment) ou à la procédure (stent actif d’ancienne génération, vaisseau de moins de 3 mm) et les mettre en balance avec le risque hémorragique », rappelle la Pr Leclercq.

Dans le cas particulier d’un patient sous anticoagulant pour une FA, une trithérapie est recommandée pour une durée à la carte, de 6 mois si le risque hémorragique est faible, de 3 mois s’il est plus notable et d’un mois si ce risque est majeur (risque vital). L’utilisation des anticoagulants oraux directs (à la dose faible validée dans la FA) est encouragée plutôt que les AVK dans cette indication particulière, compte tenu du risque hémorragique plus faible de ces molécules.

Pour la première fois, il est possible d’avoir recours à une bithérapie d’emblée associant un inhibiteur du P2Y12 (clopidogrel) et un anticoagulant chez le patient dont le risque hémorragique est considéré comme plus élevé que le risque ischémique.

Il est rappelé que seul le clopidogrel peut être utilisé dans la trithérapie en association avec l’aspirine et un anticoagulant oral.

Enfin, pour la bithérapie poursuivie au-delà d’un an, le ticagrelor à la dose de 60 mg 2 fois par jour (non encore disponible en France) est utilisé préférentiellement au clopidogrel, suite aux résultats de l’étude PEGASUS.

Le retour des anticoagulants

Dans la maladie coronaire stable, les anticoagulants reviennent sur le devant de la scène avec les résultats de l’étude COMPASS qui a comparé le rivaroxaban à faible dose seul ou en association à l’ASA à l’ASA seul (traitement de référence). Les patients avec une maladie coronaire stable mais à haut risque cardiovasculaire (antécédent d’IDM, insuffisance rénale, polyvasculaire, pontés, âge > 75 ans) ont été randomisés en 3 groupes : rivaroxaban 2,5 mg deux fois/j avec ASA, rivaroxaban 5 mg deux fois/j seul ou ASA seul.

Comparativement à l’ASA seul, l’association rivaroxaban 2,5 mg 2 fois/j et ASA a permis de réduire de 24 % le critère primaire d’évaluation (qui associait décès cardiovasculaires, IDM et AVC), de 42 % les AVC et de 18 % la mortalité totale. Un bénéfice spécifique apparaît chez les patients ayant une artériopathie des membres inférieurs, avec une réduction de 46 % des ischémies aiguës et amputations, au prix d’une augmentation des saignements mais non des hémorragies fatales.

Il y a donc un changement de paradigme dans la maladie vasculaire, « avec un retour des anticoagulants », souligne la Pr Leclercq qui précise bien qu’il s’agit d’un anticoagulant oral direct à faible dose, qui ne correspond pas aux doses utilisées dans la FA. « On gagne en termes d’événements thrombotiques, au prix d’une augmentation des hémorragies non fatales. Ceci ouvre la voie à d’autres études, qui devront notamment répondre à la question du traitement du coronarien stabilisé à haut risque avec le choix entre une DAPT prolongée ou l’association d’un antiagrégant à un antithrombotique ».

Enfin il est difficile de ne pas dire quelques mots de l’étude CANTOS, présentée en hot line, évaluant l’effet du Canakinumab, un anticorps monoclonal dirigé contre l’interleukin -1B chez plus de 10 000 coronariens stables avec antécédent d’infarctus et taux de HsCRP > 2 mg/l. L’étude montre une diminution de 15 % des évènements cardiovasculaires graves sans modifier le profil lipidique, argumentant ainsi pour la première fois en faveur du concept de traitement anti-inflammatoire de l’athérosclérose. L’étude montre également une réduction majeure de l’incidence (-67 %) et de la mortalité (-77 %) des cancers du poumon.

Nul doute que d’autres études seront menées pour tester l’efficacité et la sécurité de ce traitement en cardiologie et en oncologie.

D’après un entretien avec la Pr Florence Leclercq (CHU Montpellier)
(1) https://academic.oup.com/eurheartj/article-lookup/doi/10.1093/eurheartj…
(2) https://academic.oup.com/eurheartj/article-lookup/doi/10.1093/eurheartj…

Dr Isabelle Hoppenot

Source : lequotidiendumedecin.fr