Cancer hépatique

Des inégalités d’accès aux nouvelles thérapies

Par
Publié le 21/01/2019
cancer hépatique

cancer hépatique
Crédit photo : Phanie

Sixième cancer le plus fréquent dans le monde, le carcinome hépatocellulaire (CHC) est surtout un des plus meurtrier puisqu’il s’agit de la troisième cause de décès liée aux cancers. En France, il aurait été responsable de 8500 à 9000 décès en 2018 (1). Selon certaines projections, son incidence pourrait encore augmenter en raison du pic de contamination de l’hépatite C dans les années 1980 et l’explosion actuelle de la stéatose hépatique non alcoolique (Nash), deux causes majeures de CHC. Longtemps considéré comme non guérissable, il est aujourd’hui pris en charge par un traitement curatif (transplantation, résection ou ablation) dans seulement 23% des cas et les traitements palliatifs restent souvent symptomatiques. La survie à 5 ans des patients n’atteint encore que 20%. Cependant, des traitements novateurs apparaissent…

Des avancées thérapeutiques attendues

Outre les nouveaux agents antitumoraux comme le regorafenib, le lenvatinib et le cabozantinib, l’immunothérapie se révèle également prometteuse, atteignant des taux de réponse globale de 18% avec le tremelimumab et 15% pour le nivolumab et le pembrolizumab. « Les résultats de deux essais randomisés, comparant le nivolumab au sorafenib en première ligne de traitement et le pembrolizumab à un placebo en seconde ligne après sorafénib, sont très attendus », précise le Pr Bruno Sangro (Espagne). En fonction des résultats, des AMM pour ces anticorps anti-PD1 pourraient arriver d’ici 2020 ou 2021.

Concernant les associations, pour lesquelles un effet additif ou synergique entre les molécules est escompté, des données préliminaires sont disponibles pour deux d’entre elles : lenvatinib-pembrolizumab et bevacizumab-atezolizumab. Pour cette dernière combinaison, un taux de réponse globale de 33% (selon les critères RECIST 1.1) a été observé.

D’autres stratégies thérapeutiques sont également à l’étude, comme les virus oncolytiques ou la radioembolisation. « La radioembolisation est l’injection de petites particules, avec un effet radioactif de très courte distance, dans l’artère qui vascularise la tumeur, à laquelle elles se fixent pour la détruire. Une grande étude, coordonnée par notre centre, a montré des résultats équivalents au sorafénib mais avec beaucoup moins d’effets secondaires », explique le Pr François Durand, hépatologue à l’hôpital Beaujon (Clichy).

Une prise en charge inégalitaire

« Aujourd’hui, les dernières molécules ayant démontré leur efficacité peuvent être utilisées hors AMM en raison de leur indication dans d’autres cancers. Mais cela entraîne une inégalité de traitement en fonction de la région et du centre car c’est plus facile dans un centre expert d’utiliser un médicament hors AMM, la responsabilité du médecin et du service étant engagée », explique le Pr Patrick Marcellin, hépatologue à l’hôpital Beaujon (Clichy) et organisateur de la Paris Hepatology Conference.

De plus, cette inégalité d’accès ne pourra être résolue par une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) des traitements, en attendant leur AMM, car les médicaments déjà homologués dans une autre indication ne peuvent pas en bénéficier. Comme pour d’autres types de cancers, cette situation concerne tout particulièrement l’immunothérapie (pembrolizumab, nivolumab, …).

L’association de patients « SOS Hépatites », qui se mobilise pour les différentes maladies hépatiques, dénonce également cette situation ainsi que la nécessité d’une meilleure collaboration multidisciplinaire. « Outre l’accès aux soins et aux traitements, notre association revendique la possibilité de faire des combinaisons thérapeutiques, pas uniquement entre les molécules mais aussi, par exemple, le recours à la chimioembolisation en attendant la greffe, ajoute le Dr Pascal Mélin de SOS Hépatites. Cela nécessite une collaboration entre les services de chimioembolisation et de transplantation. La prise en charge du cancer du foie est aujourd’hui éclatée entre de nombreux services et il faut vraiment une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) spécifique du cancer du foie ».

Pour un dépistage précoce

Parmi les patients atteints de maladie chronique du foie, 20 à 30% développent une cirrhose après plusieurs années, pour laquelle le risque d’apparition de CHC est de 3% par an.

« Il va falloir trouver des outils pour identifier dans la population générale les personnes atteintes de syndromes dysmétaboliques (pouvant évoluer en Nash) et de cirrhose car ce sont des terrains de survenue du cancer du foie, explique le Pr François Durand, hépatologue… Il faut également dépister le CHC chez les patients cirrhotiques ».

Si le dosage des transaminases est un indicateur simple pour dépister une l’inflammation des tissus hépatiques et donc une maladie du foie, il est encore trop peu utilisé. « Comment sensibiliser pour le dépistage ? Il faut informer le public qui ne connaît pas son foie, les médecins pour la réalisation des transaminases et les autorités de santé », conclut le Pr Marcellin.

D’après la conférence de presse organisée lors de la Paris Hepatology Conference, le 14 janvier 2019
(1) Estimations Santé publique France

Karelle Goutorbe

Source : lequotidiendumedecin.fr