De notre correspondant
L ES expériences se multiplient à travers les Etats-Unis : des praticiens ont mis au point une méthode de rendez-vous dans la journée, avec la certitude que la consultation aura lieu à l'heure dite.
Qu'est-ce qui rend les médecins si sensibles aux doléances de leur clientèle ? La certitude que la facilité d'accès au médecin est bonne pour la santé du patient et contribue à son rétablissement.
Peut-être aussi que la mauvaise réputation d'un système de soins souvent désorganisé a servi d'alerte aux praticiens, soudain saisis par le besoin d'améliorer le service rendu : des consultations trop courtes et faites dans la précipitation altèrent le diagnostic. Et il n'est pas rare que le médecin ne décèle pas, chez une patiente qui se plaint d'insomnies, l'aggravation de son diabète.
En outre, les délais dans les rendez-vous abolissent pratiquement la prévention. Si une patiente appelle parce qu'elle souhaite un nouveau mammogramme ou un frottis, elle est absolument certaine de ne pas passer en priorité et devra attendre plusieurs semaines.
Renvoyés vers les urgences
« La qualité des soins se détériore quand les patients ne parviennent pas à obtenir un rendez-vous pour déceler une maladie au stade précoce », explique le Dr John Wheeler, qui supervise les soins primaires dans un groupe de 33 cliniques de Minneapolis, HealthPartners Medical Group. Justement, ces 33 cliniques ont regroupé leurs ressources pour offrir à leurs patients des rendez-vous dans la journée même où le patient appelle. Il y a un an, les clients de HealthPartners attendaient trois semaines pour les examens non urgents et encore plus longtemps pour les contrôles de routine. Ceux qui réclamaient une consultation en urgence s'ajoutaient à ceux qui avaient déjà un rendez-vous, ce qui causait un allongement accru des délais et ruinait les horaires. Ce qui contraignait HealthPartners à renvoyer certains de leurs patients vers les urgences hospitalières.
Les dirigeants du groupe se sont donc penchés sur le problème. En croisant les chiffres, ils se sont aperçus qu'un médecin qui traite 2 000 patients reçoit en moyenne 16 demandes de rendez-vous par jour ouvré, avec des variations saisonnières (les grippes hivernales, les lundis très actifs et les jeudis oisifs). La solution : chaque médecin n'accepte qu'un nombre de rendez-vous inférieur à 16 par jour. Il garde deux ou trois créneaux pour les rendez-vous imprévus. Et satisfait à la fois ceux qui veulent bien attendre et ceux qui sont pressés. Il a fallu quelques semaines à HealthPartners pour écluser les rendez-vous pris avant la réorganisation, mais depuis que le nouveau système est appliqué, le nombre d'admissions à l'hôpital des clients du groupe de cliniques a diminué de 25 %. Et en un an, 12 000 transferts vers d'autres centres de soins (urgences ou hôpitaux) ont été évités, ce qui représente une économie considérable.
Consultations par téléphone
D'autres cabinets réduisent le nombre des consultations. Ils programment des rendez-vous téléphoniques à une heure précise et inscrite sur un registre. Cela permet au praticien de dire au téléphone à son patient comment il interprète une analyse et quel traitement il propose. Dans d'autres circonstances, Internet est mis à contribution, également pour limiter le nombre de déplacements du patient.
Dans le Colorado, le Dr John Scott a inventé la consultation de groupe : il rassemble une vingtaine de patients âgés souffrant de polypathologies et leur fait un cours d'une heure par mois sur les maux dont ils souffrent. Il les ausculte, pose un diagnostic individuel, remplit les ordonnances et répond à toutes leurs questions. Il accorde une heure de plus à ceux qui ont besoin d'une plus grande attention.
Une étude qui va paraître prochainement a assigné 400 personnes âgées de 70 ans à des consultations de groupe, face à un groupe contrôle de 400 autres personnes du même âge qui s'est rendu à la consultation traditionnelle. L'étude montre que les patients du premier groupe, au bout d'un an, étaient en bien meilleure santé que ceux du deuxième groupe, avec une diminution des consultations en urgence de 15 %.
40 % de refus
Kaiser Permanente, une chaîne de HMO (Health Maintenance Organizations), a lancé l'expérience dans 12 de ses HMO du sud de la Californie. Cependant, le Dr Scott souligne que 40 % des personnes âgées rejettent la consultation de groupe, bien qu'on leur certifie qu'elles peuvent compléter ces consultations par des rendez-vous individuels.
Le Dr Edward Hill, de l'American Medical Association, pense que les praticiens américains « sont en train de se rendre compte qu'ils doivent mettre le patient au centre de leurs préoccupations et s'adapter à ses exigences ». Il possède une clinique dans le Mississippi et ses patients passaient en moyenne 80 minutes dans la salle d'attente. En mettant ses infirmières à contribution, il a réduit ce temps à 30 minutes. Il cherche le moyen de ne jamais dépasser 10 minutes.
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