PAR LE Dr JEROME LACOTTE*
PLUS QU’UN trouble du rythme, la fibrillation atriale (FA) fait désormais figure de maladie électrique et mécanique des oreillettes, conséquence d’une fibrose et d’un remodelage dont les mécanismes et les thérapeutiques sont de plus en plus inspirés de ceux déjà validés dans le ventricule. Le principe même de FA sur cœur sain est battu en brèche avec la démonstration d’une fibrose excessive dès les premiers accès d’arythmie, y compris chez des patients jeunes et sans facteurs de risque. Le corollaire est l’effort mis sur le dépistage et le traitement des causes potentielles de FA, au premier rang desquelles figure l’hypertension artérielle. Au-delà d’une cause éventuelle, c’est surtout la multiplicité des comorbidités qui fait la gravité de la FA, tant au plan hémodynamique que thromboembolique. La présence d’au moins une ou deux comorbidités dans plus de 50 et 75 % des cas respectivement, illustre la nécessité d’une prise en charge globale et précoce du patient fibrillant, à l’identique de celle préconisée pour les coronariens ou les insuffisants cardiaques.
Une avalanche de scores et de classifications.
La multiplication des scores et des classifications démontre la volonté d’uniformiser les pratiques et de rationaliser les prescriptions.
La classification EHRA quantifie la gêne procurée par la FA et guide ainsi le contrôle du rythme, qu’il s’agisse de prescrire un antiarythmique ou de proposer une ablation.
Le score CHADS2, très largement utilisé depuis quelques années pour orienter la prescription des AVK et qui évalue le risque thromboembolique, fait enfin son apparition dans les recommandations mais se trouve immédiatement concurrencé par son successeur, le score CHA2DS2Vasc, plus précis, mais certainement moins facile à mémoriser.
Le score HAS-BLED estime le risque hémorragique lié aux antithrombotiques, plus dans l’optique de définir une population à surveiller de près que de récuser les antivitamines K (AVK).
Ces différents scores viennent aussi nous rappeler à quel point les patients pouvant bénéficier des AVK sont les mêmes que ceux qui risquent le plus d’en pâtir. De fait, les lettres A, H et S des scores HAS-BLED et CHADS (ou dérivés) ont la même signification : âge élevé, hypertension, stroke.
L’absence remarquée des nouveaux antithrombotiques
Les nouveaux anticoagulants sont très attendus depuis que l’étude RE-LY a démontré la non-infériorité du dabigatran par rapport aux AVK, aussi bien pour la prévention des accidents emboliques que pour la survenue d’hémorragies graves. Si le dabigatran est mentionné dans ces nouvelles recommandations, il ne figure malheureusement pas encore dans les schémas thérapeutiques, certainement en raison de l’absence d’AMM établie.
D’autres espoirs étaient placés dans une alternative aux AVK fondée sur l’association d’antiplaquettaires. Ceux-ci furent déçus par la publication des études ACTIVE, comparant les AVK au couple aspirine-clopidogrel : moindre efficacité, complications hémorragiques identiques. Tout au plus, ces travaux auront permis de rappeler que l’aspirine seule n’est pas un traitement suffisant pour protéger les patients fibrillants contre l’AVC et que les triples associations AVK-antiplaquettaires sont à très haut risque hémorragique. A ce titre, ces nouvelles recommandations détaillent les solutions antithrombotiques à retenir en cas de syndrome coronaire aigu ou d’angioplastie programmée chez le patient recevant des AVK.
On reparle du rythme.
Grâce à la dronédarone, on reparle du rythme car si le contrôle de la fréquence reste la pierre angulaire du traitement médicamenteux, celui du rythme revient au cœur des discussions. D’abord pour des raisons de confort, car beaucoup de patients restent gênés, malgré une fréquence bien contrôlée, mais aussi pour des raisons de moyens, qui s’élargissent avec l’arrivée de la dronédarone.
Entre la toxicité extracardiaque de l’amiodarone et les contre-indications cardiaques de l’acétate de flécaïnide, il restait un large champ pour un antiarythmique bien toléré et facile à prescrire. Cette promesse semble tenue par la dronédarone, commercialisée depuis le 15 octobre en France et qui apparaît en première intention dans quasiment tous les schémas thérapeutiques de ces recommandations, exception faite de l’insuffisance cardiaque où l’amiodarone garde son monopole.
Ce plébiscite est justifié car pour la première fois, un antiarythmique a démontré un bénéfice pronostique, essentiellement lié à la réduction des hospitalisations. Cela n’est pas négligeable après la surmortalité sous antiarythmiques rapportée par une majorité d’études antérieures réalisées avec d’autres molécules. Néanmoins, l’effet antiarythmique de la dronédarone semble modeste. À défaut d’une révolution, la dronédarone apporte des solutions supplémentaires au sein d’une famille thérapeutique qui n’avait pas connu d’évolution depuis 25 ans.
L’ablation.
Elle s’impose comme le seul traitement curatif au point de sortir du cadre étroit de la FA paroxystique pour s’attaquer au domaine plus complexe et plus vaste de la FA persistante. Cependant, le caractère symptomatique de l’arythmie malgré un traitement bien conduit constitue le prérequis à toute ablation. Il reste de nombreuses interrogations quant à la technique d’ablation optimale et ses objectifs peropératoires, surtout pour les formes persistantes qui nécessitent un traitement plus extensif que la seule déconnexion des veines pulmonaires. Gageons que cette augmentation des indications permettra, non seulement de guérir plus de patients, mais aussi d’améliorer la compréhension et le traitement du substrat à l’origine de la persistance de l’arythmie.
Mais à l’heure de l’accréditation des centres pour l’ablation, la démocratisation de la technique et l’élargissement des indications d’ablation proposés par ces nouvelles recommandations apparaissent plus que jamais comme un défi technologique et humain.
*Institut cardiovasculaire Paris-Sud, hôpital privé Jacques-Cartier, Massy.
(1) Eur Heart J 2010;31:2369–2429.
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