Dr Alain Milon (LR) : « Le projet de loi de santé n'est pas révolutionnaire »

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Publié le 03/06/2019
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Dr Alain Milon

Dr Alain Milon

LE QUOTIDIEN : Le projet de loi santé a été peu modifié en commission au Sénat. Le texte adopté par les députés vous convient-il ?

ALAIN MILON : Ce projet de loi de santé n’est pas révolutionnaire ! Il ressemble davantage à un cadre général d'orientations qu'à une réforme structurante. Il renvoie largement à des ordonnances ou à des décrets sur des sujets majeurs comme la recertification des médecins ou les hôpitaux de proximité. À mes yeux, ce projet de loi se situe dans la continuité des textes précédents – la loi HPST [Hôpital, patients, santé et territoires, NDLR] et la loi Touraine. Mais comme eux, il risque de ne pas avoir davantage de répercussion sur le territoire faute de financement.

On parle de communautés professionnelles territoriales de santé [CPTS, NDLR], c’est bien, d’hôpitaux de proximité incluant les libéraux, c'est aussi très bien… Mais à aucun moment on ne parle de la façon dont on finance les professionnels de santé et la transformation territoriale. J’aurais aimé que le gouvernement accompagne ces réformes d'une réflexion sur les moyens, à chaque étape. Il aurait fallu mettre de l’argent sur la table. Pour un objectif national de dépenses d'assurance-maladie [ONDAM] confortable, il faudrait 4 % [l'ONDAM général 2019 a été fixé à 2,5 %, soit 200,3 milliards d'euros]. 

Pour lutter contre les déserts médicaux, des sénateurs réclament un conventionnement sélectif, mesure jamais testée. Quelle est votre position ?

Nous avons refusé le conventionnement sélectif en commission car ce n'est pas une bonne solution. D’autres pays comme l'Allemagne l’ont testé et cela n’a pas marché ! Que fera un médecin si on refuse de le conventionner dans telle ou telle zone ? On créera une médecine à deux vitesses. Le patient ne sera plus remboursé ou remboursé différemment si le praticien signe un contrat avec une complémentaire santé… Il y aura certainement de nouveaux amendements en séance publique en faveur de la régulation des installations mais je ne les voterai pas. 

En revanche, vous voulez limiter la durée totale de remplacement à trois ans. N'est-ce pas de la coercition déguisée pour les jeunes médecins ?

Il ne faut pas vivre cet encadrement comme de la coercition. Le recours au remplacement peut être utile, de manière ponctuelle, mais ce mode d'exercice ne doit pas devenir la règle à la sortie des études. Notre initiative doit être comprise en miroir de l'autre dispositif que nous proposons ouvrant droit à une exonération de cotisations sociales pour les jeunes médecins qui s'installent trois ans après leur doctorat, s'ils s'engagent à rester cinq ans dans la zone.

Je soutiendrai un autre amendement visant à permettre aux étudiants en dernière année de troisième cycle de médecine générale d’exercer en tant que médecin adjoint. Cette dernière année du DES deviendrait une année professionnalisante hors hôpital.

Ces trois mesures doivent inciter les jeunes à s'intéresser à la médecine de ville. Et elles permettent de faire barrage aux mesures plus dures ou punitives, dont le conventionnement sélectif.

La commission soutient la délégation de tâches aux pharmaciens. Est-ce aux parlementaires de modifier les contours des métiers ?

Oui. Si nous ne le faisons pas, il y aura des mesures plus contraignantes. Face à une démographie médicale déclinante, cette solution doit être mise en place. Pour obtenir un rendez-vous pour un vaccin antigrippal, le patient doit parfois attendre jusqu’à trois semaines. Dans ce contexte, la délégation de tâches "mineures" – comme la vaccination antigrippale ou la délivrance des antibiotiques contre la cystite aiguë – doit être mise en place de façon encadrée avec des protocoles définis par la HAS et des pharmaciens formés. Ces tâches ne seront pas forcément reprises par les médecins qui exerceront une médecine différente, de haute technologie, plus spécialisée. 

Faut-il encadrer davantage l'intérim à l'hôpital ?

L’intérim ne devrait pas exister à l’hôpital ! Sa suppression serait l’idéal mais, pour l’instant, on ne peut pas faire autrement. Plutôt que de consacrer des dépenses considérables pour recruter des médecins intérimaires, on ferait mieux de revaloriser les salaires des internes et des praticiens qui accepteraient de travailler davantage.

Les missions des hôpitaux de proximité vous satisfont-elles ?

Oui, mais nous ne pouvons pas amender davantage car cette réforme est renvoyée à une ordonnance. En revanche, le nombre annoncé de ces futurs hôpitaux de proximité pose problème. Actuellement, on en compte 245 mais le chef de l'État souhaite passer à 500. Pour y parvenir, je ne vois pas d’autres solutions que de réduire les activités de certains établissements comme les hôpitaux généraux pour qu’ils deviennent des hôpitaux de proximité. Cela pourrait avoir des conséquences sur des territoires.

La commission veut favoriser le déploiement du numérique. Comment ?

Nous défendrons des amendements pour rendre obligatoire l’ouverture et l’utilisation du DMP par les médecins ainsi que l’interopérabilité des logiciels de santé. C’est au ministère de trouver des solutions pour rendre tout cela opposable !

Propos recueillis par Loan Tranthimy Exergue1. Nous défendrons des amendements pour rendre obligatoire l’ouverture et l’utilisation du DMP par les médecins

Source : Le Quotidien du médecin: 9754