C' EST un tréteau sans dégagements, sans cintres, une estrade. Ce dispositif imposait à Daniel Mesguich une mise en scène particulière, s'appuyant essentiellement sur le jeu. Il a réuni une troupe solide de jeunes personnalités attachantes et finement accordées, de Frédéric Cherbuf à Sarah Mesguich (rôle d'Esther). Chacun ici mériterait d'être cité car chacun suit sa partition avec probité, simplicité, sensibilité. Mais en ayant renoncé volontairement à tout ce que l'on peut nommer la « rigueur » tragique, disons ce hiératisme qui tient du code, de l'histoire des représentations.
La scène est en Perse. Les costumes, les quelques éléments de décor, évoquent un monde pour peintres orientalistes avec voiles, bijoux, loukoums, un monde coloré, harmonieux. Trois actes, la puissance des vers, les churs. Mesguich imprime un rythme vif, dans un souci précis de la langue, sans excès expressionniste. Il y a là quelque chose de direct, une limpidité du jeu, la présence de la tragédie dans ces vêtements souples, tragédie au cur de laquelle se noue la terrible question de la haine d'Assuérus pour le peuple juif qu'il entend exterminer. Racine donne à la grande figure de Mardochée, l'oncle d'Esther, une épaisseur humaine qui défait tout besoin de discours.
Conçue pour l'éducation ( « quelque espèce de poème moral ou historique », avait demandé Madame de Maintenon), « Esther » n'est pas, selon Daniel Mesguich, un manifeste : « peu d'enjeu historique, et peu de politique à l'uvre chez Racine », écrit-il dans sa présentation de la pièce. Mais il y a une force indéniable du poème qui nous transmet, à travers l'admirable langue, la puissance des passions, des éléments qui nous permettent de réfléchir au monde toujours recommencé, dans sa beauté comme dans ses ignobles errements. Par le jeu, le jeu tenu, tendu, ému d'une douzaine de comédiens qui ont l'humilité de la discipline.
Espace Rachi, 39 rue Broca, 75005 Paris. A 20 h 45 du lundi au samedi, relâche le vendredi, en matinée le dimanche à 15 h 30. Durée : 2 h 15 sans entracte (01.42.17.10.38). Jusqu'au 4 avril.
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