Souvent attribuées à une immaturité du système digestif, les coliques du nourrisson seraient-elles en fait un équivalent précoce de migraine (voir infographie) ? Si l’hypothèse peut surprendre, elle repose sur des arguments scientifiques de plus en plus solides comme l’a expliqué le Dr Luigi Titomanlio (clinique de la migraine, hôpital Robert-Debré, Paris). Avec, notamment, une étude récente (Romanello et al., JAMA 2013; Apr 17; 309 (15): 1607-12) mettant en évidence une association significative et spécifique entre antécédents de coliques du nourrisson et survenue ultérieure de migraine.
Une association fréquente et spécifique
Conduit dans trois centres européens, ce travail s’est penché sur les antécédents digestifs de 208 enfants (âgés de 6 à 18 ans) consultant pour migraine et les a comparé à ceux d’enfants souffrant de céphalées de tension et à ceux d’un groupe témoin exempt de céphalées. Résultats : « Les enfants avec antécédents de coliques du nourrisson avaient sept fois plus de risques de développer une migraine que les enfants sans coliques », rapporte le Dr Titomanlio, co-auteur de cette étude. Cette association n’a pas été retrouvée pour les céphalées de tension, « ce qui suggère qu’elle est spécifique à la migraine et ne traduit pas une simple prédisposition à la douleur ». En 2012, une étude américaine (Gelfand et al., Neurology 2012 Sep 25?; 79 (13) : 1392-6) a, pour sa part, montré que les nourrissons de mère migraineuse sont davantage susceptibles de souffrir de coliques que les autres (RR=2,6).
Par ailleurs, « si l’on regarde les coliques et la migraine, on s’aperçoit que ces deux pathologies ont pas mal de chose en commun, notamment en termes de facteurs déclenchants », souligne le Dr Titomanlio. Avec, dans les deux cas, une survenue des crises favorisée par le stress, le manque de sommeil ou encore certains allergènes alimentaires.
De plus, chez le jeune enfant, certains tableaux digestifs (vomissements paroxystiques bénins et migraines abdominales) sont déjà reconnus comme d’authentiques équivalents de migraine au même titre que certains symptômes neurologiques type vertige paroxystique ou torticolis (voir ci-dessous).
« La migraine et tous ses équivalents seraient donc en fait une seule et même pathologie, avec des modes d’expressions cliniques différents selon les stades », résume le Dr Titomanlio. Des anomalies au niveau de certaines fibres péri-vasculaires pourraient expliquer ce continuum et intervenir tant au niveau cérébral que digestif, en favorisant la vasodilatation, mais cela reste à confirmer.
Des antimigraineux pour traiter les coliques...
Quoi qu’il en soit, « les coliques sont très probablement un équivalent migraineux », conclut le Dr Titomanlio. Elles devraient d’ailleurs être reconnues comme telles dans la prochaine classification des migraines et céphalées. à terme, « on pourra peut être même traiter les coliques par des antimigraineux, soit de façon ponctuelle au moment de la crise, soit pendant les premiers mois de vie », imagine le Dr Titomanlio tout en reconnaissant « que des études supplémentaires sont, bien sûr, nécessaires avant d’envisager cette option ».
En revanche, cette nouvelle vision peut d’ores et déjà contribuer à améliorer le diagnostic de migraine chez l’enfant, « le fait d’avoir des antécédent personnels de coliques pouvant être considéré comme un facteur prédisposant de migraine ». Par ailleurs, en cas d’antécédents familiaux de migraine, cela peut être utile et rassurant d’expliquer aux parents que leurs enfants sont de ce fait naturellement plus enclins aux coliques et que leur comportement parental n’est pas en cause.
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