Fracture de la cheville : une molécule ciblant la mitochondrie pour prévenir l’arthrose post-traumatique

Publié le 08/02/2018
fracture cheville

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Crédit photo : PHANIE

Cibler la mitochondrie après une fracture articulaire de la cheville pourrait offrir une protection contre l’arthrose post-traumatique, selon une étude dans un modèle porcin. Le traitement intra-articulaire a été administré après le traumatisme, puis une semaine plus tard. Prochain objectif, un essai de phase 1.

La dégénérescence du cartilage après un traumatisme (fracture, entorse grave, ou lésion ligamentaire), ou l’arthrose post-traumatique, est une affection douloureuse et handicapante à vie qui touche notamment des sujets jeunes et sportifs. Les fractures intra-articulaires de la cheville, en particulier, ont un très mauvais pronostic.

« L’articulation peut être complètement détruite dans un espace de temps rapide, aussi court que deux à quatre ans. Cela peut être dévastateur pour un jeune de 18 ans qui se blesse une cheville en tombant d'une échelle ou en faisant du sport », souligne le Pr Mitchell Coleman, chercheur en orthopédie et en réadaptation à l'Université médicale d’Iowa (États-Unis) et premier signataire de l’étude publiée dans la revue « Science Translational Medicine ». « Nous avons découvert que la phase la plus précoce du développement de l'arthrose après une fracture intra-articulaire de la cheville a un composant mitochondrial puissant qui peut être prévenu en bloquant le transport mitochondrial des électrons », explique-t-il au « Quotidien ».

Fractures intra-articulaires

Des travaux antérieurs ont montré que relativement peu de chondrocytes, les cellules du cartilage, sont tués au moment de l'impact lorsqu'une articulation est fracturée. La mort cellulaire survient plutôt dans les 48 heures suivant la blessure, ce qui laisse penser que l'activité biologique libérée par l'impact pourrait contribuer aux causes précoces de l’affection.

L’équipe de Coleman et James Martin (Université d’Iowa) s’est intéressée à réduire le stress oxydatif dans les mitochondries des chondrocytes peu après le traumatisme.

Dans un modèle porcin de fracture de la cheville, ils ont évalué deux approches après fixation chirurgicale : injecter dans l’articulation un gel d’amobarbital, un barbiturique connu pour ses propriétés hypnotiques/sédatives, afin d’inhiber la chaîne de transport des électrons dans les mitochondries des chondrocytes, ou injecter de la N-acétylcystéine (NAC), un antioxydant afin de réduire les radicaux libres. L’un ou l’autre traitement ont offert une protection importante contre l’arthrose post-traumatique à 6 mois, avec baisse de l’atteinte histologique et normalisation de la fonction des chondrocytes. « Nous avons démontré que l'arthrose post-traumatique s’installant dans la cheville après une blessure grave peut être considérablement atténuée en inhibant le métabolisme mitochondrial ou en injectant des antioxydants clés immédiatement après la blessure », précise le chercheur. « Ces traitements n’ont été administrés que deux fois, juste après la blessure et une semaine plus tard ; il n’y a eu aucun traitement chronique. Cela suggère qu'il pourrait être possible de traiter de façon aiguë les patients après une fracture de la cheville afin de prévenir l'arthrose post-traumatique », poursuit-il.

Un espoir à confirmer en essai clinique

« Les traitements se sont montrés très sûrs chez les animaux, sans effets négatifs, ce qui nous laisse espérer que les médicaments seront également sans risque chez l’homme, estime le chercheur. Il faudra déterminer chez l’homme : le dosage, la fenêtre thérapeutique efficace après blessure, l’efficacité en fonction de la gravité de la blessure (certaines blessures sont-elles trop sévères pour en bénéficier ?) et bien sûr la sécurité. Notre prochaine étape sera de conduire des essais de phase 1 d’innocuité et nous cherchons des fonds pour cela. »
Le Pr Coleman prévient que ces résultats ont été obtenus dans un modèle de cheville, une priorité étant donné le mauvais pronostic de ces fractures. « Les bénéfices pour d'autres articulations devront être étudiés séparément. Nous espérons que cette découverte sera valable pour d’autres articulations ; on sait toutefois que différentes articulations se comportent différemment après des blessures similaires », conclut-il.

Science Translational Medicine, février 2018, Coleman et coll.

Dr Veronique Nguyen

Source : lequotidiendumedecin.fr