LE QUOTIDIEN - Le gouvernement vient de donner 2,2 milliards de francs aux personnels hospitaliers. Malgré cela, les sages-femmes sont descendues dans la rue. N'est-ce pas un signe de malaise ?
GERARD LARCHER - C'est plus grave que cela. Car c'est le résultat du bricolage catégoriel auquel se livre depuis quelque temps le gouvernement. Avec les 2,2 milliards du « protocole Guigou », la plupart des personnels hospitaliers ont été revalorisés mais la répartition a été inégale. Résultat : une crispation qui s'exprime aujourd'hui chez les sages-femmes (mais le problème des sages-femmes dépasse l'hôpital, puisqu'elles sont aussi en grève dans les cliniques privées), chez les cadres et notamment chez les cadres infirmiers. Ces professionnels-là ont besoin de reconnaissance. Ils ont aussi un gros problème d'effectif, qui ne va faire que s'aggraver avec les 35 heures.
Précisément, la négociation sur les 35 heures des personnels paraît mal engagée. Le gouvernement ne court-il pas un risque d'explosion sociale majeure avec ce chantier ?
La mise en place des 35 heures, prévue pour le 1er janvier prochain, va être un casse-tête incroyable. La ministre négocie avec les syndicats de personnels mais elle a oublié d'associer à la discussion les directeurs et les cadres. Or comment peut-on imaginer réorganiser l'hôpital sans eux ? Pour cette première raison, on va droit à la crise. On court à la catastrophe aussi parce que ni les éléments financiers, ni les éléments humains de la réduction du temps de travail à l'hôpital public ne sont pris à bras le corps par le gouvernement. Nous considérons à la FHF que les 35 heures auront un impact de 7 % de création d'emplois, ce qui correspond à une majoration de 5 % des dotations hospitalières : 10 milliards de francs supplémentaires !, ceci après réorganisation. Je viens de saisir solennellement le Premier ministre sur cette question, lui rappelant notre proposition de financement par exonération de la taxe sur les salaires. Quant aux effectifs des professionnels médicaux ou paramédicaux (sages-femmes, infirmières, médecins), il faut que le gouvernement les traite avec la hauteur qui convient. Sans quoi il se retrouvera avec des établissements qui ne fonctionneront plus. Peut-être faute de moyens, sûrement faute de personnels. Personnellement, je suis inquiet. Nous allons vers des temps très difficiles.
Comprenez-vous la colère des médecins hospitaliers qui jugent insuffisantes les propositions qui leur ont été faites pour leur propre réduction du temps de travail ?
Bien sûr ! Parce que la réduction du temps de travail, c'est pour tout le monde. Et les médecins sont d'autant plus inquiets qu'ils savent la vérité : ils ne sont pas assez nombreux pour passer aux 35 heures.
Les cliniques n'ont pas signé leur OQN (objectif quantifié national), elles demandent au gouvernement de leur donner les moyens de rattraper les salaires de l'hôpital public. Cette demande est-elle légitime ?
Je ne dirais pas qu'elle est légitime ou illégitime. Les cliniques sont face à un marché où le déficit démographique les amène à n'avoir d'autre choix que de refuser ce que les pouvoirs publics leur proposent. En gros, si elles ne signent pas leur OQN, c'est parce qu'aujourd'hui, elles ne trouvent pas une infirmière sur le marché. Cela nous ramène à la question démographique. Je ne veux pas opposer hôpital public et cliniques privées, je souhaite juste que la politique du gouvernement aille droit au but et s'éloigne de l'extinction des incendies au coup par coup. Surtout quand chaque intervention coûte des milliards.
Gérard Larcher (FHF) : L'hôpital court à la catastrophe
Publié le 02/04/2001
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Propos recueillis par Karine PIGANEAU
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Source : lequotidiendumedecin.fr: 6890
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