Par le Pr Ayman Tourbah*
DEPUIS PLUS de dix ans, des immunomodulateurs (interférons bêta, acétate de glatiramère) sont disponibles pour traiter des patients atteints de la sclérose en plaques (SEP). Injectables par voie intramusculaire ou sous-cutanée, ils agissent essentiellement sur la phase inflammatoire de la maladie, réduisant le taux des poussées de 30 % en moyenne et diminuant d'environ 60 à 70 % l'accumulation des lésions actives en IRM.
Inhibiteur sélectif des molécules d'adhésion, le natalizumab (NZB, Tysabri, Biogen Idec) est un anticorps monoclonal anti-intégrine alpha-4 qui se lie aux récepteurs de surface des lymphocytes T, empêchant la migration de ces cellules de la circulation sanguine vers le système nerveux central (SNC). Des études cliniques de phases II et III ont montré l'importante efficacité de ce traitement sur le contrôle de la phase inflammatoire, mais aussi sur la progression de la maladie à court terme. En effet, dès les premiers essais contrôlés de phase II, d'une durée de 6 mois, il est apparu que, comparativement au placebo, ce produit diminuait le nombre de lésions actives en IRM. Par la suite, deux essais de phase III, multicentriques internationaux, randomisés en double insu, ont confirmé l'efficacité clinique du NZB. L'étude AFFIRM (Natalizumab Safety and Efficacy in Relapsing-Remitting MS) a comparé, sur une durée de deux ans, le NZB (627 patients) en monothérapie à un placebo (315 patients). Les patients éligibles avaient présenté au moins une poussée clinique dans l'année précédente et avaient un score de handicap nul à modéré.
L'analyse des résultats à un an indique une réduction du taux annualisé de poussées de 68 % chez les patients sous NZB comparativement au placebo (critère d'évaluation principal). A deux ans, le risque de progression du handicap confirmé à 3 mois était de 42 % inférieur chez les patients traités comparativement (critère d'évaluation principal). En IRM, à deux ans, les lésions actives étaient réduites de 92 %, les nouvelles lésions visibles en T2 de 83 %, et le nombre moyen de trous noirs de 76 % chez les patients sous NZB comparés à ceux sous placebo (critère d'évaluation secondaire). Une analyse a posteriori indique que le NZB est plus efficace encore chez les patients atteints d'une SEP évolutive (au moins deux poussées dans l'année précédente et au moins une lésion active à l'IRM, 22 % des patients).
L'étude SENTINEL (Safety and Efficacy of Natalizumab in Combination with Avonex in Patients with Relapsing Remitting Multiple Sclerosis) a inclus 1 171 patients et comparé une combinaison NZB/IFNß1a par voie intramusculaire à une combinaison placebo/IFNß1a. Dans le groupe NZB/IFNß1a, par rapport au groupe IFNß1a seul, le taux des poussées avait baissé de 54 % à un an et de 56 % à deux ans (critère d'évaluation principal), la progression du handicap ayant été diminuée de 24 % à deux ans.
Toutefois, deux des patients inclus dans l'essai SENTINEL ont présenté une leucoencéphalopathie multifocale progressive (Lemp) liée à la réactivation d'un polyomavirus humain, le virus JC. Tous deux avaient reçu le NZB (37 et 28 perfusions) en combinaison avec l'IFN ß1a pendant plus de deux ans. Un troisième cas de Lemp est survenu chez un patient atteint de la maladie de Crohn, autre indication potentielle du NZB en développement. L'incidence de la Lemp sous NZB est ainsi estimée à 1/1 000.
Une prescription hospitalière.
L'autorisation de mise sur le marché européenne (AMM) a été accordée le 28 juin 2006 : le NZB est indiqué en monothérapie comme traitement de fond des formes très actives de SEP rémittente. En France, les conditions de prescription et de délivrance ont été précisées le 18 juillet 2006 et l'avis favorable de la commission de la transparence a été accordé le 17 janvier 2007. Sa prescription est hospitalière et réservée aux spécialistes en neurologie. Le NZB est indiqué en monothérapie comme traitement de fond des formes très actives de SEP rémittente pour les patients suivants :
– ceux qui n'ont pas répondu à un traitement complet et bien conduit par IFNß, avec au moins 1 poussée au cours de l'année précédente, alors qu'ils étaient sous traitement, et au moins 9 lésions hyperintenses en T2 à l'IRM cérébrale ou au moins 1 lésion rehaussée après injection de gadolinium ;
– ceux présentant une SEP rémittente sévère et d'évolution rapide, définie par 2 poussées invalidantes ou plus au cours d'une année associées à une ou plusieurs lésions rehaussées après injection de gadolinium sur l'IRM cérébrale et/ou à une augmentation significative de la charge lésionnelle en T2 par rapport à une IRM antérieure récente.
L'association à un immunomodulateur, à un immunosuppresseur ou à un anticancéreux est absolument contre-indiquée. Une corticothérapie de courte durée peut être administrée en association avec le NZB.
Avant l'instauration du traitement, il est recommandé de pratiquer des examens biologiques (NFS, lymphocytes B, CD4, CD8, dosage pondéral des immunoglobulines, sérologie VIH), une radiographie thoracique, une IDR à la tuberculine, et de disposer d'une IRM datant de moins de 3 mois. Le NZB est alors administré en perfusion I.V. de 300 mg toutes les 4 semaines (perfusion pendant 1 heure à un débit d'environ 2 ml/min). Une surveillance clinique est nécessaire pendant toute la durée de la perfusion et pendant l'heure suivante, pour détecter l'apparition d'une éventuelle réaction allergique ou d'effets indésirables qui surviennent chez près d'un quart des patients : sensations vertigineuses, nausées, frissons, réactions allergiques (4 %), d'expression cutanée (urticaire, éruption érythémateuse, prurit, oedème palpébral) ou, plus rarement, systémique (gêne respiratoire, palpitations).
Le NZB est immunogène et peut conduire à la formation d'anticorps persistants (6 % des patients dans les essais cliniques). Pour confirmer la positivité, deux tests doivent être effectués à six semaines d'intervalle. L'apparition de ces anticorps est associée à une diminution de l'efficacité de NZB et à une augmentation de la fréquence des réactions allergiques et d'intolérance à la perfusion. Le traitement est alors arrêté.
En cas d'apparition de nouveaux symptômes, il peut être difficile de différencier une poussée de SEP de l'apparition d'une Lemp. Une évaluation clinique, biologique (détection de l'ADN du virus JC dans le LCR) et radiologique (IRM) est alors nécessaire.
* Faculté de médecine et service de neurologie, CHU de Reims.
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