IVG : la liberté de conscience des médecins est menacée, estiment des gynécologues

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Publié le 25/08/2018
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Crédit photo : GARO/PHANIE

La liberté de conscience des médecins serait-elle en danger ? Le débat a été relancé cet été par un article du Maine Libre, révélant que le centre hospitalier de Bailleul (Sarthe) n’assurait plus aucune IVG depuis janvier et le départ à la retraite de l’un de ses médecins.

Invoquant leur clause de conscience, trois des quatre praticiens restants refusent de pratiquer des interruptions volontaires de grossesse. « Dans ces conditions, nous ne pouvons plus travailler correctement », explique le directeur de l'établissement, Yves Praud, dans L'Express.

Jugeant la situation insupportable, Nadine Grelet-Certenais, sénatrice socialiste de la Sarthe, a interpellé Agnès Buzyn, le 26 juillet. « Il est intolérable que les femmes ne puissent pas exercer leur droit essentiel parce que des médecins, au mépris de l’accès aux soins, font valoir des réticences d’ordre personnel ou éthique », a-t-elle affirmé. La ministre de la Santé a promis un retour à la normale pour septembre.

Le Syngof au créneau

Il y a quelques jours, le Syndicat national des gynécologues obstétriciens de France (Syngof) a répondu à Nadine Grelet-Certenais. S'il qualifie l’accès à l’avortement comme « un droit essentiel, incontesté et incontestable », il souligne aussi que « la réalisation de l’avortement n’est pas un acte de soins ordinaire » et « nécessite des médecins à qui la loi reconnaît le droit d’avoir une liberté de conscience ».

Le Syngof juge « intolérable » que cette liberté ne soit pas reconnue par la sénatrice. « Prétendre que les médecins ont le mépris de l’accès aux soins, alors qu’ils sont au contact direct avec la souffrance de leurs patientes, c’est ne pas connaître leur vie », ajoute le syndicat.

Déjà des velléités parlementaires en 2016

« Si nous sommes montés au créneau, ce n’est pas pour rien. Une sénatrice dénonçant des médecins en invoquant l’accès aux soins, c’est une manière de dire "supprimez la clause" », analyse Bertrand de Rochambeau, président du Syngof, contacté par Le Généraliste.

Selon lui, la menace de voir la clause de conscience spécifique à l'IVG disparaître plane depuis les discussions sur la loi Santé de janvier 2016, dont plusieurs articles concernaient l’IVG. À l'époque, plusieurs parlementaires avaient déposé des amendements visant à la supprimer. « Nous étions montés au créneau et, dans sa sagesse, le gouvernement ne les avait pas retenus », se souvient le Dr de Rochambeau. Début 2017, le Haut Conseil à l'égalité avait lui aussi réclamé la suppression de la clause.

« Retirer la clause de conscience dans le cadre de l’IVG, c’est contraindre les médecins à en faire, estime le président du Syngof. Or ce n’est pas un acte anodin. » Le Dr de Rochambeau se félicite que la loi Veil ait permis de dépénaliser les médecins pratiquant l'IVG. « On ne peut pas le forcer à supprimer la vie », ajoute-t-il. Le gynécologue dit aussi regretter la disparition du délai de réflexion obligatoire (qui contraignait les femmes désirant avorter à attendre 7 jours avant l'intervention) et de la notion de détresse. Cette disposition du texte originel de la loi Veil prévoyait que seule une femme enceinte "dans une situation de détresse" pouvait recourir à une interruption volontaire de grossesse. « Cela gêne bon nombre d'entre nous », assure le Dr de Rochambeau.

Si Agnès Buzyn ne s'est pas positionnée pour l'heure sur l'avenir du droit de conscience, Bertrand de Rochambeau invite à la vigilance. « Cela va revenir », prédit-il, évoquant un « lobby pro-IVG tenu par les féministes » qui aurait selon lui ses entrées en haut lieu.


Source : lequotidiendumedecin.fr