Deux études indépendantes publiées dans le même numéro de « Cell » ont découvert que des réseaux neuronaux spécifiques au niveau de l’hypothalamus latéral sont capables de contrôler les troubles alimentaires compulsifs et l’addiction au sucré. L’identification de circuits cérébraux spécifiques est très intéressante en pratique car elle ouvre la voie à des thérapies ciblées efficaces.
Ce type d’approche est particulièrement recherché en matière de troubles du comportement alimentaire, car d’autres fonctions telles que l’appétit et le goût de bien manger doivent impérativement être préservés.
Pour leurs travaux, l’équipe de Garret Stuber de la faculté de médecine de Caroline du Nord et celle de Kay Tye du Massachusetts Institute of Technology (MIT) ont utilisé l’optogénétique. Cette technique récente, alliant l’optique et la génétique, consiste à rendre des neurones sensibles à la lumière afin de les activer et/ou désactiver spécifiquement grâce à une fibre optique fichée dans le cerveau de l’animal. La méthode permet ainsi d’établir des liens de causalité avec une réaction comportementale de façon fiable, dans un domaine de recherche reconnu pour sa complexité. Les deux équipes se sont intéressées à la région de l’hypothalamus latéral, dont les nombreuses interconnexions sous-corticales restaient mal décrites sur le plan fonctionnel.
Manger au prix de chocs électriques
L’équipe de Kay Tye s’est focalisée sur l’addiction au sucré. Pour cela, les chercheurs ont étudié un réseau neuronal entre l’hypothalamus latéral et sa projection sur l’aire tegmentale ventrale, une région qui est impliquée dans le circuit de la récompense. L’activation de ce réseau a poussé des souris bien nourries à passer davantage de temps à manger et à davantage enfoncer leur museau dans une niche pour avoir du sucre, même si elles devaient pour cela traverser une plateforme leur délivrant des chocs électriques. À l’inverse, l’inhibition de ce circuit a diminué leur comportement compulsif pour le sucre, sans modifier leur façon de s’alimenter par ailleurs.
De façon plus large, l’équipe dirigée par Garret Stuber a étudié la boulimie et l’appétit. Les chercheurs ont travaillé sur des souris en train de se balader librement dans un endroit plein de nourriture ou de faire en sorte d’obtenir une récompense sucrée. En étudiant l’activité de centaines de neurones de l’hypothalamus latéral, ils ont découvert que certains sous-groupes contrôlaient les comportements de recherche de nourriture et d’alimentation excessive.
Défaut d’adaptation à la surabondance
Pour Kay Tye, ces résultats s’expliquent sur le plan de l’évolution, les circuits cérébraux faisant en sorte de consommer de façon frénétique les produits rares et sucrés, disponibles de façon transitoire selon les saisons. « Dans notre société moderne, (...), les aliments riches en sucres et riches en graisses sont souvent plus faciles à trouver que les produits frais et les protéines, aprécisé le chercheur du MIT. Nous ne nous sommes pas adaptés à la surabondance de sucre, et ces circuits qui nous poussent à nous goinfrer de douceurs sont à l’origine d’un nouveau problème de santé. »
Cell, publié en ligne le 29 janvier2015
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