REFERENCE
I. LES FAITS
1. Les produits
Ils sont divers, variables dans leur composition, dans leur concentration et dans leur présentation (2). Etudiés sur 725 échantillons (qui ont permis d'identifier 137 molécules), ils se sont présentés 568 fois sous forme solide, 128 fois sous forme de buvards imprégnés, 15 fois sous forme liquide (voir tableau).
Parmi les consommations « classiques » :
- les alcools, éthanol, mais aussi méthanol et butanediol 1-4 (précurseur du gamma OH) ;
- la cocaïne (10 % des cas) ;
- les amphétamines (50 % des cas). L'ecstasy, ou MDMA, méthylène dioxyméthamphétamine en est la drogue phare (3). Nous en reparlerons. Mais d'autres amphétamines peuvent lui être substituées ainsi que d'autres molécules agissant sur la vigilance ;
- les cannabinoïdes sont les mieux connus des produits consommés ;
- les poppers, à base de nitrites, vasodilatateurs pelviens et éventuellement méthémoglobinisants, ne sont pas exceptionnels ;
- des médicaments enfin, détournés de leur usage, sont vendus car ils auraient vaguement quelques similitudes d'action avec les amphétamines (troubles visuels, tachycardie...).
2. Les artifices de présentation :
- Ils associent des logos (colombe, Mercédès, Mitsubishi, éléphant, « sourire », V2, OO7, coquillages), (voir figure ++). Aucun logo ne garantit une composition constante, ni une concentration, ni un principe actif ; et des couleurs supposées attirantes.
- Les formes galéniques sont variées : comprimé (ou morceau), poudre, gélule, buvard imprégné, résine, liquide, nougat, bonbon, cristaux.
- Le poids des unités solides, (comprimés entiers ou partie) a varié, dans notre expérience, de 47 mg à 1 468 mg.
3. Les inconnues sont les substances associées (toutes identifiées dans la liste ci-dessous, par l'analyse toxicologique), retrouvées dans 21 % des échantillons étudiés
Il s'agit de :
* Psychotropes :
- datura (effets atropiniques) ;
- acide lysergique (effets hallucinatoires) ;
- benzodiazépines (dont le flunitrazépam, « date-rape drug », désormais interdit aux Etats-Unis) ;
- éphédrine (excitant) ;
- caféine (excitant) ;
- gamma OH (ou acide gamma amino-butyrique), euphorisant ;
- phencyclidine.
*Antalgiques :
- opiacés, paracétamol, anti-inflammatoires non stéroïdiens, salicylés, corticoïdes.
Cardiotropes :
- chloroquine (le « N » de Nivaquine étant présenté comme un éclair : « Z »), Rythmol (probablement pour leurs effets visuels).
*Anesthésiques :
- kétamine ;
- protoxyde d'azote.
* Vitamines
* Sucres divers
* Produits domestiques :
- lessives, bicarbonate, amidon, talc, solvants.
* Non identifiables (pour le moment) ; leur importance demeure conjecturale...
3. Les circonstances physiques augmentent l'impact des substances consommées :
l'agitation est intense, la chaleur ambiante croît rapidement, la plupart des produits entraînent anorexie, adipsie, sueurs et souvent une polyurie, qui contribuent à installer une déshydratation constante.
(Le caractère groupal de la consommation crée un phénomène « d'agrégation » (US) bien étudié chez l'animal : « celui-ci, solitaire, survit, "étale", là où le groupe, enfermé, succombe » (4).
4. Physiopathologie
Tous les psychotropes utilisés :
- soit sont des toxiques membranaires pour le cerveau : solvants, kétamine ;
- soit agissent sur les neuromédiateurs, essentiellement : adrénergiques (éphédrine), dopaminergiques (cocaïne), sérotoninergiques [amphétamines (l'ecstasy est expérimentalement une neurotoxine sérotoninergique sélective (5)], gabaergiques (benzodiazépines, gamma OH).
II. LES EFFETS
Les effets recherchés sont essentiellement psycho-stimulants : « La stimulation est le grand but de l'existence », dit un consommateur habituel.
Sont particulièrement prisées :
- l'estime de soi ;
- l'hyperactivité motrice ;
- l'euphorie sexuelle et sociale ;
- la résistance à la fatigue.
III. CONCLUSIONS
Au terme de cette rapide revue, insistons sur :
- la variabilité des substances consommées liées à la fois aux phénomènes de mode toujours labiles et aux techniques de synthèse ;
- l'insécurité sur leur composition ;
- le surgissement permanent de nouvelles molécules, dont la recherche est certes ciblée, mais la production aléatoire et la consommation souvent aberrante ;
- la relative facilité de production (et donc la consommation privée qui s'ensuit) non seulement par les laboratoires clandestins, mais aussi semble-t-il actuellement, en tout cas aux Etats-Unis, dans certains foyers domestiques.
Les capacités d'exploration des activités mentales du primate humain, excitable et grégaire, grâce aux substances psychotropes, apparaissent, en l'an 2000, en pleine explosion dans ses activités de groupe (rave-parties), mais aussi de plus en plus dans la sphère privée, familiale ou professionnelle. Or, il est aussi physiologiquement équipé pour une production endogène de ces substances psychoactives génératrices de stimulation et/ou de sécurité. Sera-t-il capable de contrôler un jour (par l'éducation) ses propres sécrétions et de se passer alors des dangereux suppléments exogènes ?
Références :
(1) Henry J. A., Jeffreys K. J. J., Dawling S. (1992) Toxicity and deaths from 3,4-methylenedioxymethamphetamine (« ecstasy »). « Lancet », 340, 384-387.
(2) Fompeydie D., Bazard J. P., Latour C., Bahri Z., Galliot-Guilley M ; Attention... Une drogue peut en cacher une autre ! En cours de publication.
(3) Lapostolle F., Eliez C. A., El Massioui Y., Adnet F., Leclerc G., Efthymiou M. L., Baud F. (1997) Toxicité de l'ecstasy. « Presse Med », 26, 1881-1884.
(4) Anon. (1992) Ecstasy-fueled « rave » parties become dances of death for english youths. « Jama » 268, 12, 1505-1506.
(5) McCann U. D., Szabo Z., Scheffel U. J., Dannals R. F., Ricaurte G. A. (1999) Perspectives on neuroscience and behavior. « The Neuroscientist », 5, 3, 141.
SOLIDES*BUVARDSLIQUIDES
(568)(128)(15)
AMPHETAMINES et molécules
de structure apparentée34223-
COCAINE et molécules de
structure apparentée756-
CANNABINOIDES765-
OPIACES253-
LSD.1441
GAMMA-OH2-6
KETAMINE11-3
PCP1--
PRINCIPES ACTIFS
MEDICAMENTEUX141-1
* Solides = comprimés entiers ou en morceaux, poudres et gélules
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