L’enfant asthmatique

À la rentrée, les allergènes sont de sortie

Publié le 21/09/2018
acarien

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Crédit photo : PHANIE

Les symptômes d’allergie respiratoire, qu’il s’agisse de rhinite (RA), de crises d’asthme (CA) ou d’exacerbations d’un asthme connu, sont plus souvent dus à l’exposition aux allergènes connus du patient qu’à des rencontres avec des allergènes qu’il ne connaît pas, bien que cela soit évidemment possible. Il faut également penser à l’action des nombreux facteurs délétères à l’intérieur ou à l’extérieur des maisons. Chez un asthmatique déjà identifié, ces poussées sont le plus souvent prévisibles, et par conséquent largement évitables.

La rentrée est également une période qui fournit l’occasion de réévaluer le contrôle d’un asthme, plus ou moins perdu après les vacances, du fait d’une adhésion insuffisante au traitement de fond par les corticoïdes inhalés (CI).

Des symptômes pseudo-saisonniers pour les acariens

On sait depuis longtemps que les acariens de la poussière de maison sont des allergènes perannuels. Si les deux principaux sont Dermatophagoides pteronyssinus (DP) et Dermatophagoides farinae (DF), d’autres peuvent jouer un rôle important dans certaines conditions d’exposition, comme Blomia tropicalis ou des acariens de stockage. Les acariens vivent en moyenne de 2 à 3 mois, mais peuvent rester à l’état plus ou moins quiescent en cas de privation de nourriture. Les femelles de DP pondent de 20 à 80 œufs, et celles de DF 200 ou davantage.

DP et DF sont surtout présents dans les lieux de repos de l’humain, chambres à coucher, pièces de literie (y compris les matelas neufs), canapés, tapis… Contrairement aux idées reçues, ils sont rares dans les transports en commun (bus, trains, avions), mais moins rares dans les lieux publics (écoles, crèches), leur concentration dépendant de la vétusté des locaux, de la saison et des allergènes associés (animaux). Toutefois, une étude allemande récente montre que la concentration des acariens et des phanères d’animaux (chien, chat, souris) est plus importante dans les crèches qu’au domicile.

Si la RA et l’asthme aux acariens se traduisent par des symptômes perannuels, l’augmentation de la concentration des allergènes d’acariens à certaines périodes de l’année où la température ambiante et l’hygrométrie s'élèvent génère aussi des symptômes pseudo-saisonniers, au printemps et surtout en juillet, août et septembre (à plus de 20-25 °C et plus de 70 % d’hygrométrie).

Leur fermeture pendant les vacances entraîne une exposition à une charge accrue en allergènes au retour au domicile et (mais à un degré moindre) à l’école. Dans ces conditions, la RA et l’asthme peuvent revêtir un aspect saisonnier, ce qui a milité pour l’adoption du consensus Aria (Allergic Rhinitis and its Impact on Asthma), régulièrement mis à jour depuis sa création.

De même, RA et asthme peuvent se manifester pendant les week-ends, au retour dans une maison de campagne inhabitée pendant la semaine, et lors de l’utilisation de pièces de literie ou de lits d’appoint.

La présence de plantes vertes augmente l’humidité intérieure et, par conséquent, la prolifération des acariens. La présence d’animaux et de moisissures au domicile est un cofacteur d’allergie aux acariens, car elle leur apporte des supports nutritifs.

Les enfants allergiques aux acariens atteints de RA et/ou d’asthme présentent une amélioration très souvent spectaculaire de leurs symptômes au-dessus de 1 500 m d’altitude (parfois 1 200 m), ce qui, autrefois, fut mis à profit par les « cures d’altitude ». Mais l’obtention d’un traitement de fond efficace par les CI (dipropionate de béclométasone) mit presque un terme à celles-ci, qui avaient certes des justifications biologiques, mais aussi des inconvénients importants : séparation familiale, retentissement scolaire, réapparition fréquente des symptômes, même avec des aménagements de l’environnement domestique, au « retour en plaine ».

L'éviction des allergènes avant tout

Le traitement de l’allergie aux acariens est basé sur les mesures d’éviction des allergènes et sur le traitement de fond selon une approche par paliers, par antihistaminiques H1 ou corticoïdes intranasaux (CIN) en cas de RA, par les CIN seuls ou associés aux bêta 2 stimulants de longue durée d’action (B2LA) en cas d’asthme. À noter, un contrôle optimal de la RA améliore à lui seul le contrôle de l’asthme.

Les principales mesures d’éviction sont résumées ci-dessous.

En prévention primaire, il s’agit d’éviter le développement des sensibilisations chez l’enfant à haut risque allergique, c’est-à-dire issu de parents atopiques. En prévention secondaire, d’éviter l’apparition d’une allergie d’expression clinique chez l’enfant encore seulement sensibilisé, c’est-à-dire ayant uniquement des tests cutanés positifs. En prévention tertiaire, pour les enfants allergiques, c’est-à-dire porteurs de tests positifs et de signes cliniques à l’exposition aux allergènes, l’éviction des acariens est efficace dans la mesure où elle est globale. Elle permet alors de diminuer les symptômes et la consommation médicamenteuse.

La concentration en acariens de la poussière de maison peut être évaluée au moyen de l’Acarex Test, disponible en pharmacie. L’aide d’un conseiller en environnement intérieur est indispensable.

Des allergènes d’animaux à l’école

L’épidémiologie nous apprend que la fréquence des sensibilisations aux allergènes des animaux varie entre 2,5 % dans la population générale et 5,3 % chez les écoliers. Chez ces derniers, elle est plus importante chez les asthmatiques (57 %) et les individus atteints de RA (13 %).

L’exemple type est l’allergène majeur du chat, Felis domesticus d1 (Fel d1), une glycoprotéine thermostable de 35 kilodaltons (kDa) présente dans la peau (glandes sébacées et sudoripares), les poils, la salive et les glandes anales. Il est admis que la production de Fel d1, dépendante de la production de testostérone, est plus importante chez les mâles que chez les femelles, et que chez les chats castrés, où son taux est intermédiaire. La production de Fel d1 varie aussi en fonction de la race, selon un coefficient qui va de 2 à 10. Après l’éviction (retrait d’un chat du domicile), les allergènes persistent pendant au moins un à deux mois, notamment sur les habits et les chaussures, ce qui explique que l’on peut développer des signes d’allergie au chat sans en avoir chez soi (allergie par procuration). Ces notions sont pleinement valables pour beaucoup d’autres allergènes (cheval, chien, lapin en particulier).

Contrairement à une idée reçue, la présence d’animaux (chats surtout, chiens aussi) au domicile pendant la première année de vie aurait un effet protecteur vis-à-vis du développement d’une allergie à ces animaux par induction de tolérance en vertu de la théorie hygiéniste de l’allergie décrite par David Strachan (1), mais de façon variable selon le moment de l’exposition et les facteurs génétiques.

Fel d1 est très abondant dans l’environnement des détenteurs de chats, dans toutes les pièces, mais surtout les endroits où se tient préférentiellement l’animal (par exemple un canapé ou un divan). Fel d1 est présent sur 80 % des particules fines de moins de 5 microns en suspension dans l’air de façon quasi permanente. Les quantités d’allergènes vont de 2 à 468,5 ng/m3 dans l’air ambiant, en fonction des modalités de ventilation, du volume du logement, de l’ameublement, de la nature des sols, etc. Une étude confirme que Fel d1 reste détectable dans la poussière de maison de 6 à 12 mois après l’éviction totale du chat (2). Toutefois, les conseils d’éviction des chats, et plus généralement des animaux à fourrure, ne sont pas suivis par la plupart des familles. À noter, le lavage hebdomadaire d’un chat diminue son allergénicité.

L’importation des allergènes de chat à l’école par les enfants (et les professeurs) détenteurs de chats a été amplement démontrée à plusieurs reprises, et elle est suffisamment importante pour provoquer des symptômes chez les allergiques au chat qui n’en ont pas chez eux. La quantité de Fel d1 détectable sur les vêtements des enfants est significative après seulement un jour passé à l’école.

Il est possible de diminuer par un coefficient de 4 à 6 la concentration de Fel d1 dans les classes en instaurant le port d’uniformes et/ou des classes sans détenteurs de chats. Il faut également y proscrire les moquettes. L’utilisation de filtres Hepa (haute efficacité pour les particules aériennes) est également recommandée.

L’asthme de septembre

Les crises d’« asthme de septembre » ont été décrites à la fin des années quatre-vingt-dix. De façon schématique, quelques semaines après la rentrée, certains enfants asthmatiques développent des crises d’asthme après une infection ORL, avec, pour les plus sévèrement atteints, une perte de contrôle de leur affection.

Le mécanisme de ces infections ORL est simple : après quelques jours d’école, l’entrée de certains virus dans la communauté scolaire non immunisée entraîne des infections des voies aériennes supérieures qui descendent sur les bronches. Chez les asthmatiques, l’inflammation bronchique peut favoriser à son tour la pénétration des allergènes environnants, en particulier des acariens, et cette succession infection virale et exposition allergénique peut être un mécanisme inducteur d’allergie.

L’expérience clinique et les données de la littérature montrent que les patients atteints d’asthme de septembre reçoivent moins souvent un traitement de fond par les CI, ce qui peut contribuer à une perte du contrôle de leur asthme. L’une des raisons pourrait en être la réduction trop brutale, voire l’arrêt du traitement de fond pendant les vacances. En pratique, à la rentrée scolaire, il faut systématiquement réévaluer le traitement de fond de tout enfant asthmatique, et le plus souvent le renforcer.

Autres allergies

À la rentrée, on peut également observer des symptômes de RA ou d’asthme dus au « regain » des graminées (courte pollinisation). Au cours de la seconde moitié du mois d’août, l’exposition aux pollens d’ambroisie peut entraîner des conjonctivites sévères dans les régions où cette plante parasite prolifère (région lyonnaise, sillon rhodanien, et au-delà depuis plusieurs années). Le médecin devra également gérer de nouvelles situations survenues pendant les vacances, comme une allergie alimentaire ou aux piqûres d’hyménoptères (abeilles ou guêpes).

Conflits d’intérêt : L’auteur n’a pas de conflit d’intérêt.
Pédiatre allergologue-pneumologue 
(1) Strachan DP. BMJ 1989; 299(6710): 1259-60
(2) Wood R et al. J Allergy Clin Immunol. 1989 Apr;83(4):730-4

Pr Guy Dutau

Source : lequotidiendumedecin.fr