Accidents vasculaires cérébraux

La thrombectomie est parfois possible jusqu’à 24 heures

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Publié le 18/12/2017
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thrombectomie

thrombectomie
Crédit photo : PHANIE

Après un accident vasculaire cérébral, dans la course contre la montre pour le cerveau, chaque minute compte. Pour accélérer diagnostic et traitement, 135 unités neurovasculaires ont été déployées en 2015 sur l’ensemble du territoire, avec des structures d’urgences associées à cette prise en charge par télémédecine.

Le délai pour la fibrinolyse est de 4h30. En 2015, une révolution dans la prise en charge des infarctus cérébraux liés à l’occlusion d’une artère de gros calibre est intervenue : 6 études randomisées ont démontré par rapport à la fibrinolyse intraveineuse seule, le bénéfice clinique d’une thrombectomie mécanique (+ 15 à + 22 % selon les études) réalisée dans les plus brefs délais après les 1ers symptômes, mais au maximum… 6 heures après. « La thrombectomie est l’extraction endovasculaire d’un caillot dans une artère cérébrale de 1 à 3 mm de diamètre (branche de division de la carotide interne ou tronc basilaire). Après imagerie confirmant l’occlusion du vaisseau, elle est réalisée par un neuroradiologue interventionnel, en salle d’angiographie numérisée, sous anesthésie locale ou générale (selon la coopération du sujet) dans un service de neuroradiologie adossé à une unité neurovasculaire (UNV) de recours », explique le Pr Emmanuel Houdart, neuroradiologue interventionnel à l’hôpital Lariboisière, Paris.

Une avancée majeure

L’étude DAWN (1) qui vient d’être publiée est une étude multicentrique internationale (USA, Canada, Europe, Autralie) randomisée. Elle a évalué la thrombectomie (chez 107 patients) par rapport aux soins standards (chez 99 patients). Les critères d’inclusion étaient les suivants : patients se présentant aux urgences de 6 à 24 heures après les 1ers symptômes avec un score diagnostique et de gravité (NIHSS) > 10, une occlusion d’un gros vaisseau (à l’IRM ou au scanner) et une clinique discordante avec l’imagerie (atteinte neurologique plus importante que ne le voudrait le volume de l’infarctus). Trois sous-groupes de patients ont été étudiés (> 80 ans, NIHSS > 10, lésion < 21 cc ; < 80 ans, NIHSS > 10, lésion < 31 cc, < 80 ans, NIHSS > 20, lésion < 51 cc). Le score NIHSS initial médian était de 17 dans les 2 groupes, le délai de prise en charge de 12,2 heures (groupe thrombectomie) contre 13,2 heures (groupe standard). DAWN a été arrêtée prématurément à 31 mois en raison de la supériorité de la thrombectomie. À 90 jours, dans le groupe thrombectomie, le score de dépendance de Rankin baisse de 73 % et le nombre des patients fonctionnellement indépendants augmente de 35 % : 49 % des patients du groupe thrombectomie sont indépendants à 90 jours vs 13 % des patients du groupe soins standard. Traiter 2,8 patients éligibles par thrombectomie permet à 1 patient d’être indépendant à 90 jours ! Il n’y avait pas de différence entre les 3 sous-groupes de patients. « DAWN démontre le bénéfice à pratiquer une thrombectomie au-delà de 6 heures et jusqu’à 24 heures après l’accident lorsqu’il reste du tissu à sauver (autrement dit lorsqu’à l’IRM, l’infarctus ne concerne pas tout le territoire de l’artère occluse). Cette étude constitue une avancée phénoménale ! Elle ouvre les portes d’une revascularisation au-delà de 6 heures », explique le Pr Houdart.

Des progrès à accomplir

L’orientation vers la rééducation en soins de suite et de réadaptation (SSR) avait été fortement encouragée par le plan national AVC 2010-2014. En 2017, une étude (1) du « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » (« BEH ») constate une augmentation limitée du taux global d’admission en SSR après un AVC entre 2010 à 2014 « En 2014, seul un patient sur 2 présentant une paralysie après son AVC était hospitalisé en SSR ». Or plus de la moitié des patients présentant une dépendance fonctionnelle élevée à l'entrée en SSR bénéficie d'une amélioration de son score de dépendance. L'admission en SSR est associée à l’âge avancé, aux séquelles motrices et aux AVC hémorragiques. Le passage en unité neurovasculaire (UNV) augmente la probabilité d'admission en SSR jusqu'à 75 ans. Les auteurs rappellent que cette rééducation améliore la qualité de vie, réduit le niveau de dépendance et diminue le risque cardio-vasculaire global. Ils concluent que le SSR neuro-locomoteur « constitue une étape majeure du parcours de soins des AVC, dont le développement sur l'ensemble du territoire est à poursuivre… ».

Le « BEH » du 21 février 2017 précise que les AVC ont provoqué 31 346 décès en France en 2013 (58,5 % de femmes). Ils sont la première cause de décès chez la femme, la troisième chez l’homme. De 2008 à 2013, le taux de mortalité par AVC » baisse (-13,1 %) dans les 2 sexes et l'âge moyen au décès recule. Près de 5 % des femmes et 12 % des hommes décédés ont moins de 65 ans. Fait inquiétant, les AVC ischémiques augmentent chez les moins de 65 ans (+ 14,3 %) alors qu’ils diminuent (- 2,1 %) chez les plus âgés. Cette augmentation du risque d’AVC chez le jeune confirme les données internationales récentes (3) et les données françaises du registre AVC de Dijon (4). Dans ce registre de 4 506 patients ayant eu un premier AVC entre 1985 et 2011, 10,1 % étaient des jeunes de moins de 55 ans (82,7 % souffraient d’infarctus cérébraux). Or pendant cette même période, l’incidence des infarctus cérébraux a augmenté (période 1994 – 2002 vs 1985 – 1993 : IR 1,308 ; IC 95 % [0,982, 1,741], p = 0,066 ; période 2003 – 2011 vs 1994 – 2002 : IR 1,697 ; IC 95 % [1,340, 2,150], p < 0,001). Une politique de prévention primaire des accidents vasculaires, en particulier chez les jeunes est plus que jamais d’actualité.

(1) Nogueira RG et al., N Engl. J Med 2017

(2) gabet A. et al., Bull Epidémiol Hebd. 2017;(11):196-207

(3) Béjot Y. et al., J Am Heart Assoc, 2016 vol 5(5)

(4) Béjot Y. et al., Bull Epidémiol Hebd. 2016;(7-8):118-25.

Dr Sophie Parienté
AVC

Source : Le Quotidien du médecin: 9628