Un rapport tente de rassurer les patients

L'Académie de médecine confirme le bénéfice des statines

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Publié le 28/05/2018
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Crédit photo : PHANIE

« Nous avons souhaité faire un point objectif en examinant les critères d'efficacité et les effets secondaires des statines afin de répondre à la polémique », indique au « Quotidien » le Pr Michel Komajda, le rapporteur. Polémique qui avait été relancée fin 2016 avec la diffusion du documentaire Arte « Cholestérol, le grand bluff ».

Selon une analyse de la littérature, les statines apparaissent indispensables chez les patients ayant un risque d'accident vasculaire considéré comme élevé (risque évalué en fonction des différents facteurs de risque), en cohérence avec les recommandations nationales et internationales.. Pour un risque intermédiaire, la décision est à prendre au cas par cas, tous comme pour les personnes âgées.

Concernant les patients à faible risque, si la prise de statines est associée à une réduction de la morbidité et de la mortalité, les auteurs estiment que « cette indication est considérée comme peu utile en raison du nombre de patients à traiter pour éviter un événement et en raison de son coût », soulignant une divergence entre bénéfice individuel et bénéfice pour la société. Pour ces patients, l'analyse de l'efficience, qui prend en compte le gain en termes de santé et le surcoût, est en faveur des statines de nouvelle génération, mais pas des anciennes. Pour les auteurs, la question du seuil de risque à déterminer pour la prévention primaire reste posée, précisant que cela « dépend des ressources économiques qu’un pays est disposé à payer ».

Une balance bénéfice/risque en faveur des statines

Les effets indésirables des statines sont également présentés. En première ligne, les effets musculaires qui concernent 10 à 25 % des patients. Les statines augmenteraient également le risque de diabète, avec toutefois des différences selon le type de statines et la dose. Les auteurs notent que « la prévalence du diabète est moindre chez les patients ayant une hypercholestérolémie familiale ». Enfin, l'Académie rappelle que la Food and Drug Administration (FDA) avait alerté en 2012 sur de potentiels effets cognitifs néfastes et affirme que « les données disponibles rassurent quant à une induction de troubles cognitifs par les statines ». Elles pourraient même être bénéfiques.

Au vu de ces constats, l'Académie estime que « si le risque médicamenteux lié à la prise de statine n’est pas négligeable, en particulier au plan musculaire et peut conduire à un arrêt du traitement, ce risque est à mettre en regard du bénéfice démontré des statines » et évoque un « bénéfice sans commune mesure » en prévention secondaire.

Une crise de confiance majeure vis-à-vis des institutions

En France, la parution du livre du Pr Philippe Even en 2013, intitulé « La vérité sur le cholestérol », a largement contribué à la méfiance du grand public envers les statines. « Ces polémiques incitent les patients à arrêter leur traitement », déplore le Pr Komajda. Même si, note le rapport, « le lien de causalité immédiat entre cette polémique et les interruptions de traitement reste difficile à prouver ». Des polémiques sur les statines ont également vu le jour au Royaume-Uni et au Danemark, avec des conséquences moindres.

L'arrêt des traitements sans avis médical n'est pas sans conséquence. Chez des patients prenant moins de 80 % de leur traitement, la mortalité augmente de 45 % par rapport aux patients observants. « Avec ce rapport, nous souhaitons convaincre les patients de ne pas arrêter leur traitement ou en tout cas de s'adresser à leur médecin avant d'envisager toute interruption », souligne le Pr Komajda.

Pour tenter d'expliquer la méfiance du grand public à l'égard des statines malgré un consensus dans la communauté médicale, l'Académie évoque « une préoccupation croissante pour les risques "manufacturés" », « une crise de confiance majeure vis-à-vis des institutions » et « les réseaux numériques et les médias sociaux » qui facilitent la circulation de fake news.

L'Académie nationale de médecine avait déjà pris position sur les statines en 2013 et en 2016 afin d'alerter sur les risques de l'arrêt de ce traitement.


Source : Le Quotidien du médecin: 9668