Télémédecine en avion

L’aide au diagnostic à 10 000 mètres d’altitude

Publié le 11/10/2010
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« Y A-T-IL un médecin dans l’avion ? » L’appel risque de devenir obsolète. Avec la mallette de télédiagnostic, il y a en effet toujours un télémédecin à bord. Développé par l’Agence spatiale européenne (ESA) et aujourd’hui industrialisée et commercialisée par la société britannique RDT, Tempus IC, par exemple, équipe déjà Emirates, Virgin Atlantic, V Australia, BMI et, dernière en date, la compagnie aérienne de l’émirat d’Abou Dabi, Etihad.

« Fruit de trois années de travail collaboratif entre l’Agence, l’industriel et la compagnie British Midland (BMI), cet équipement hérite directement des techniques mises au point pour les vols longue durée dans la station spatiale internationale (ISS) », commente Aurélien Pisseloup, directeur du projet à l’ESA. Le Tempus IC n’est guère plus gros qu’un défibrillateur portable. Son boîtier, couleur orange, est doté d’un écran tactile sur lequel s’affiche le menu des différentes procédures de relevés automatiques de données médicales : pression artérielle, taux d’oxygène dans le sang, pouls, électrocardiogramme, capnographie (’enregistrement de la pression partielle du dioxyde de carbone exhalé), volumétrie pulmonaire, température auriculaire, glucométrie.

L’hôtesse ou le steward, qui a été préalablement formé à l’utilisation du Tempus IC, dispose d’un jeu complet de sondes et d’électrodes à poser sur le malade pour effectuer ces analyses. Il peut également utiliser un capteur d’image intégré pour prendre photos et vidéos du patient, et il porte un micro-casque pour dialoguer avec le centre d’appels qui va recevoir les données, les interpréter et finalement donner, sinon un diagnostic, du moins une analyse de la situation qui déterminera son niveau d’urgence. « L’appareil a été conçu pour être utilisé par une personne qui n’a aucune expertise médicale, explique Graham Murphy, le patron de RDT. Il lui permet d’effectuer les mêmes relevés que ceux de l’hôpital qui seront ensuite interprétés par de vrais médecins. »

En fonctionnement, le boîtier Tempus IC est relié à la station de transmission par satellite de l’avion qui envoie la communication voix et données, via le réseau de télécommunications spatiales mondial Inmarsat*, sur une liaison gérée par l’opérateur OnAir**, vers un centre d’appels spécialisé, comme Medlink, de l’Américain Medaire, basé à Phoenix (Arizona). Cette entreprise d’assistance médicale à distance, filiale du groupe français International SOS depuis 2008, dispose d’équipes d’urgence en alerte permanente composées de médecins. Dès que la liaison voix est établie avec l’avion, le médecin dialogue avec son interlocuteur pour ordonner la chronologie des examens, accuser réception des données et finalement donner un avis à partir duquel le commandant de bord pourra décider de dérouter son avion ou de continuer son vol.

Air France et le SAMU de Paris.

MedAire travaille avec quelque 70 compagnies aériennes à travers le monde, mais certaines, comme Air France, fonctionnent différemment. « Nous collaborons avec le SAMU de Paris depuis la création de leur cellule d’assistance médicale pour l’aéronautique, en 1975, indique une porte-parole d’Air-France. Nos personnels sont formés à l’utilisation d’équipements – défibrillateur, mesure d’oxymétrie, de pouls, etc. - associés à la trousse médicale d’urgence présente à bord de tous nos avions. Ils sont aptes à interpréter les paramètres relevés et dialoguent, par téléphone satellitaire, avec nos correspondants du SAMU pour les aider à former un diagnostic ou à prescrire l’un des médicaments dont nous disposons. »

Bien que ce dispositif fonctionne de façon satisfaisante – entre 100 et 200 appels par an, provoquant moins de 10 % de déroutements, justifiés à plus de 85 % -, Air France teste actuellement une mallette de télétransmission - différente de celle de RDT – pour l’évaluer afin de prendre une décision d’ici quelques mois, pour tous ses avions longs courriers. Déjà, les A380 de la compagnie sont équipés d’un First Aid Corner, avec un vrai lit et un rideau d’isolement, pour accueillir un passager malade dans les meilleures conditions. Certaines autorités médicales et les organisations de l’aéronautique civile plaident aussi pour la formation de personnels « correspondants médicaux de bord », rompus au maniement des équipements de télédiagnostic et au dialogue avec les centres d’appels, et ce, malgré la présence d’un passager médecin sur pratiquement 9 vols sur 10. Il est vrai que la probabilité d’avoir un malade augmente considérablement avec la mise en exploitation d’avions à grande capacité comme le 777 ou le 747 de Boeing ou le A340 ou A380 d’Airbus.

* Inmarsat est un opérateur de télécommunications mobiles dont le réseau mondial de satellites couvre l’ensemble des océans et des continents à l’exception des pôles.

** OnAir est une filiale commune d’Airbus et de la SITA, Société internationale des télécommunications aéronautiques, qui met en œuvre des capacités de transmissions louées sur le réseau Inmarsat et destinées aux liaisons de données et de téléphonie entre le sol et les avions.

PHILIPPE PELAPRAT

Source : Le Quotidien du Médecin: 8833