Laurent Seksik, le portrait

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Publié le 11/10/2018
Seksik

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Combien de masques Laurent Seksik âgé de 56 ans a-t-il collectionné ? Combien de vies a vécu le biographe de Stephan Sweig, de Romain Gary, deux romanciers au parcours prestigieux et à la fin tragique ? D’autant que Laurent Seksik pratique le mélange des genres, le chimiquement impur. C’est en effet l’un des maîtres de l’exofiction où s’effacent les frontières entre le récit vrai d’une vie et l’imaginaire. Le rire franc, massif, le charme évident, l'appétit pour les choses de la vie dissimulent à peine l'inquiétude, le tourment. À l'autoroute du succès, à la ligne droite qui conduit directement aux honneurs, Laurent Seksik emprunte les itinéraires secondaires tout en ne déviant jamais de sa route. « J'ai toujours annoncé à 20 ans en faculté de médecine que je serai un jour édité. » Certes avant d'arriver à bon port et d'être enfin publié, le voyage a duré un peu plus longtemps que prévu. Mais l'écriture pour Laurent Seksik a toujours été un sport de combat, exigeant un entraînement quotidien. « Lorsque je révisais l'internat, j'écrivais chaque jour une page que je lisais à mes camarades» Si l'internat est réussi brillamment, le jeune auteur essuie de nombreux refus. Même l'appui du futur prix Nobel Jean-Marie-Gustave le Clézio ne parvient pas à vaincre les réticences du comité de lecture de Gallimard. Ces manuscrits renvoyés à l'expéditeur ne découragent pas le jeune médecin. Une rencontre improbable avec Franz-Olivier Giesbert, alors directeur de la rédaction du Figaro le propulse sur une autre voie, au service des sports du quotidien national. Pourquoi le sport ? « Parce que je n'y connaissais rien et c'était donc la meilleure école de journalisme. Je ne voulais pas être journaliste médical» Dans ce domaine, le parcours relève davantage de la promenade de santé que de la course d'obstacles. Après avoir assumé la rédaction en chef du Figaro Étudiant, Laurent Seksik animera une émission dédiée — un pur hasard ! — à la littérature sur I Télé. Cette brillante carrière de journaliste s'effectue sous pseudo. Quel masque protège le radiologue alors toujours en exercice à mi-temps ? Quel rôle social est dévolu au journaliste ? Lorsqu’il s’agit toutefois de mettre son nom sur un livre, Laurent Seksik ne se dissimule plus. Bas les masques. Son vrai nom figure sur la couverture. Le succès critique et public des Derniers jours de Stephan Zweig le conduit même à retirer la blouse blanche. Laurent Seksik est devenu un vrai écrivain, à plein temps traduit dans de nombreuses langues. Ce n’est pas pour autant qu’il se satisfait de son nouveau statut, toujours en explorateur de nouveaux modes d’écriture, même s’il confie : « Je vaux moins que mes livres. » Son dernier ouvrage, Un fils obéissant* pratique cette fois l’exofiction sur son propre père disparu récemment. À ce bel hommage filial, il y insère un morceau de bravoure écrit en hommage à l’un de ses pères en littérature, Albert Cohen à travers les Mangeclous. La boucle serait-elle bouclée ? Laurent Seksik devrait reprendre dans les prochains jours son costume de médecin radiologue. En n'a-t-on jamais fini avec la médecine ?

* Chez Flammarion, 256 pages, 19 euros, E-book 13,99 euros.


Source : lequotidiendumedecin.fr