Le Pr Lasfargues nouveau président de l’Académie de médecine

L’Auvergnat de la rue Bonaparte

Publié le 16/12/2008
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S’IL AVAIT FAIT une carrière politique, ce qui l’a un temps menacé, on aurait pu dire du Pr Géraud Lasfargues qu’il est l’homme de la rupture dans la continuité. La continuité, c’est bien sûr, celle de ce terroir auvergnat où il est né, issu d’une lignée séculaire d’agriculteurs. Aux confins du Cantal, de l’Aveyron et du Lot, les Lasfargues élèvent depuis 250 ans des Salers, cette race bovine rustique, reconnaissable à ses longues cornes effilées, que lui-même a continué d’améliorer, en mettant en application les dernières trouvailles des chercheurs de l’INRA. Son cheptel de 120 têtes, dans l’exploitation de Maurs, avec les stabulations qu’il a rénovées et les nouvelles méthodes de sélection est un fleuron de l’élevage de moyenne montagne.

Dès sa petite enfance, sous l’influence d’un oncle qui s’est illustré dans la bataille héroïque de la Résistance, au Mont Mouchet, le Dr Joseph Clauzet, tout à la fois médecin, maire et conseiller général, il fut voué à la médecine. Lui aussi devait l’exercer en sillonnant les petites routes auvergnates. Ses succès hospitalo-universitaires en disposèrent autrement. Quand il fut reçu à l’internat de Paris, en 1960, l’oncle, un peu à regret, se résigna à le voir consulter à Aurillac, le chef-lieu. Mais avec le clinicat survient une autre rupture : l’installation à Paris, dans le quartier du Ranelagh. Dans ce 16e arrondissement, sa pratique garda la marque de l’apostolat du médecin de campagne. Les appels, la nuit du réveillon de Noël, sans réelle urgence à la clé, c’était le lot normal de la permanence des soins. À Paris comme au fin fond du Massif Central, le Dr Lasfargues, comme les autres, est corvéable à merci.

Unité de prise en charge du VIH de l’enfant.

En 1968, alors qu’il s’est personnellement engagé contre les événements, il est reçu agrégé de pédiatrie de la faculté de médecine de Paris. Du coup, il renonce à la carrière politique que lui promet Jacques Chirac, en lui proposant une circonscription dans le Cantal, ou dans les Hauts-de-Seine, à son choix. Nouvelle rupture. Devenu chef de service à l’hôpital Armand Trousseau, il crée une unité prenant en charge l’infection à VIH de l’enfant. Dans la foulée, le voilà qui sillonne régulièrement les pistes de Côte d’Ivoire, du Sénégal, d’Ouganda, du Bénin ou de Madagascar ; il y rejoint notamment son élève et ami, le Pr Christian Courpotin, dans le cadre du programme ESTHER (Ensemble pour une Solidarité Thérapeutique Hospitalière en Réseau).

En France, il prend la présidence de l’Association pour le traitement et l’insertion sociale des handicapés (les anciens Sanatoriums maritimes). Une structure qui emploie 600 collaborateurs dans plusieurs centres. Tous ces chemins devraient l’éloigner durablement de son Auvergne. Mais il n’en est rien. Non seulement, le Pr Géraud Lasfargues rejoint régulièrement l’exploitation de la Châtaigneraie, mais même au cœur de ses activités parisiennes, il garde un certain style, proche du terroir. C’est ainsi que, quand il devient président de la première section de l’Académie de médecine, on l’entend dire qu’il souhaite la diriger avec le même pragmatisme et la même rigueur que son exploitation.

Cet attachement à la terre se veut exempt de toute nostalgie. On ne fera pas dire au Pr Géraud Lasfargues que la mondialisation a des effets désastreux. Tout au contraire : « Grâce à internet, s’enthousiasme-t-il, vous pouvez aujourd’hui accéder à autant de connaissances depuis une ferme du Massif Central qu’à la bibliothèque de la Sorbonne. » La médecine serait-elle en crise ? « Mais la France n’a jamais compté autant de médecins et aussi bien formés », proteste-t-il. Non, l’apocalypse n’est pas pour demain.

Au fait, et l’Académie ? On la dit secouée par des luttes picrocolines… Sans contester la réalité des tensions, le futur président entend bien désamorcer les conflits et proposer un objectif fédérateur. Lors de la séance inaugurale du 6 janvier, il a prévu de détendre l’atmosphère en projetant des photos de ses chères Salers. Une manière de rappeler à ses pairs d’où il vient. Puis il les entretiendra de sa grande idée : aller à la rencontre de l’opinion publique en utilisant internet et les nouvelles techniques de communication. « Si le gouvernement peut s’appuyer aujourd’hui sur l’expertise des agences, c’est vers l’Académie que l’opinion doit pouvoir se tourner en confiance pour répondre aux questions sur la santé publique. » Et il évoque, à titre d’exemple, les inquiétudes sur les effets des ondes des téléphones mobiles. « L’Académie a fait le point récemment sur ce sujet. C’est à elle d’informer médicalement les citoyens. Sans sortir de ce rôle. » Parole de président auvergnat.

› CHRISTIAN DELAHAYE

Le Quotidien du Mdecin

Source : Le Quotidien du Médecin: 8482