ARTS
PAR JEAN-JACQUES LEVEQUE
P ARIS ne s'est pas fait en un jour. Nombreux sont les souverains qui, dans le souci de l'embellir, de lui donner l'aspect d'une capitale, se sont attachés à le doter de monuments qui constituent un vaste livre à ciel ouvert de leur mémoire. Napoléon III, son oncle Napoléon Ier, Louis XIV, Henri IV en remontant le temps, ont rêvé à un Paris qui leur ressemble, qui soit à l'image de leur pouvoir. Chacun y voyait un moyen de mieux asseoir sa gloire et de tracer un signe de sa grandeur.
Les visées de Charles V semblent plutôt inspirées par la notion qu'avait Aristote de la ville idéale. Réflexions croisées sur la population par rapport au territoire qui lui est dévolu, problème des enceintes et de l'alimentation (dont celle de l'eau). Vincennes, qui est un écho de ce Paris en formation, résume aussi le rêve de « la cité idéale ». Sorte de création totale, ex nihilo, d'une citée, quand Paris a déjà ses structures, son passé.
Une vision aimable
Celui de Charles V, dont il ne reste que des lambeaux, est à la mesure de l'homme qu'il fut : cultivé, lettré, pieux et empli du sens de ses responsabilités, des devoirs de sa charge. Soucieux du faste dont il pensait que devait s'entourer la monarchie pour sa crédibilité, fort attaché à l'appui de l'Eglise alors toute-puissante, mais fort demandeuse de secours pour l'édification des lieux de culte, l'établissement de couvents.
Dans son souci d'offrir un dossier aussi scrupuleux que possible, l'exposition doit s'appuyer sur des documents, les monuments étant fort rares qui puissent témoigner des fastes de l'époque. Il est pourtant significatif et fort satisfaisant pour les amateurs d'ambiance, qu'elle soit présentée dans cet hôtel de Sens qui voisinait le bucolique hôtel de Saint-Pol, en fait une succession de maisons, de galeries, de jardins, dont le souvenir ne subsiste que dans la topographie des rues du quartier (entre les quais et la rue Saint-Antoine).
Mécène avisé, roi bâtisseur, Charles V s'attache à assurer la défense de Paris par une muraille qui double celle de Philippe Auguste, de renforcer la position du Louvre, et d'établir celle de la Bastille. Il porte aussi son attention sur le domaine de Vincennes. On a là, un remarquable témoignage de l'architecture militaire médiévale.
L'exposition s'articule sur un repérage topographique du Paris de l'époque, des actes officiels, des plans, maquettes, vues gravées et dessins. A défaut des originaux, on peut retrouver les merveilleuses enluminures de l'époque (frères Limbourg) qui décrivent un Paris minutieusement festonné de clochers, tours avec leur girouettes, fanions, bannières, créneaux, dessinant des palais qu'on dirait de fantaisie, avec une figuration tantôt fastueuse, tantôt paysanne et laborieuse. Toute une gamme de silhouettes tendrement disposées dans un espace d'une grâce tranquille. Ce qui est bien une manière optimiste de découvrir une époque qui fut aussi celle des malheurs de la guerre. Vision aimable, fastueuse même, qui entretient une certaine idée que l'on peut se faire de Paris, ville des tournois, des cours d'amour, des « entrées » et festins royaux.
Pourtant la mort y est aussi présente avec ces « gisants » qui sont une admirable production de la sculpture médiévale. Entre rigueur des attitudes et recherche d'une expression dans le visage.
Entouré de luxe, Charles V n'est pas un roi voluptueux, comme le seront certains de ses successeurs, mais plutôt, un amateur averti, qui ne démérite pas le surnom familier de Charles le Sage. Le luxe est ici placé sous le signe de la sérénité. La sagesse n'est pas nécessairement l'austérité. Et son pari fut d'être au cur des connaissances de son temps. C'était aussi le rôle d'un souverain de rassembler autour de sa personne le savoir d'une société en constante évolution. On est dans ce Moyen-Age finissant, où percent, discrètement, les fioritures, les grâces et les agréments qui vont définir la Renaissance. L'hôtel de Sens, qui accueille l'exposition, n'est-il pas une sorte de bijou de l'architecture ?
Bibliothèque Forney. Hôtel de Sens, 1, rue du Figuier. Du mardi au samedi, de 13 h 30 à 20 heures. Un remarquable catalogue complément indispensable de l'exposition. Il contient, agrandies, les merveilleuses enluminures de l'époque.
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