Entre hommes

Le chemsex, une addiction à haut risque

Publié le 13/12/2018
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Crédit photo : SPL/PHANIE

Le terme de « chemsex » (contraction de chemical sex) fait référence à la prise volontaire de certaines substances psychoactives en contexte sexuel afin de faciliter, augmenter ou intensifier les rapports. Ces substances psychostimulantes sont principalement les cathinones et la méthamphétamine, mais aussi le GHB (acide gamma-hydroxybutyrique), les poppers, la cocaïne ou la kétamine. Le « slam » correspond à la prise de certaines de ces substances par voie injectable (lire tableau).

Ces conduites sont à ce jour décrites principalement parmi les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH). Initialement, elles apparaissaient comme très standardisées et hédonistes, notamment autour de la sexualité en groupe, via des applications en ligne. Les usages de produits, et leurs vocations, semblent pourtant bien plus variés : anxiété de performance sexuelle, support à la sexualité du couple ou usage solitaire sont ainsi décrits par les patients.

La pratique du chemsex expose les patients à des complications de plusieurs types :

● liées aux produits : La polyconsommation est fréquente, également avec des substances moins spécifiques (alcool, cannabis, ecstasy, MDMA, benzodiazépines…), et multiplie les risques. Le type de substances est consommé en fonction de ses vertus attendues, mais aussi souvent par opportunité plus que par choix. Le recours à des médicaments afin de maintenir l’érection (sildénafil, tadalafil…) est très fréquent ;

● infectieuses : De 30 à 50 % des HSH suivis en service de maladies infectieuses, d’autant plus s’ils vivent avec le VIH, ont eu une pratique de chemsex au cours de l’année précédente, et de 3 à 10 fois plus de rapports sexuels non protégés dans ce contexte (1). Le chemsex est suspecté de participer à la recrudescence actuelle des infections sexuellement transmissibles (IST) au niveau mondial – notamment de l’hépatite C via le slam (2) ;

● de santé sexuelle : L’activité sexuelle sans substance devient fréquemment impossible. La sexualité peut finir par se résumer à la prise du produit, en solitaire avec un support pornographique, et est alors rarement décrite comme satisfaisante ;

● addictologiques : Les produits psychostimulants utilisés, s’ils donnent rarement lieu à des consommations continues, engendrent néanmoins un fort craving (une envie irrépressible), notamment en raison de la fugacité de leur effet psychotrope (moins d’une heure en général). Les prises se répètent donc plusieurs fois lors d’une session. Sur le long terme, c’est ce craving, pour les produits mais aussi pour l’injection, qui grève le plus le pronostic de reconsommation.

● psychiatriques : Très peu d’études évaluent de manière fine les liens entre troubles psychiques et chemsex (2). Après une prise ponctuelle, les conséquences aiguës sont la pharmacopsychose et la descente (tristesse, idées suicidaires pendant 36 à 48 heures). On retrouve fréquemment des comorbidités dépressives et anxieuses chez les usagers, ainsi qu’un événement de vie négatif conjoint aux premières consommations et une faible estime de soi. Le manque de connaissance des praticiens et la gêne des patients à consulter sont des écueils à la prise en charge. Un manque de données scientifiques, notamment françaises, évaluant la prévalence et les comorbidités psychiques des patients est problématique (3).

Psychiatre et addictologue dans le service de psychiatrie et psychologie médicale de l’hôpital Saint-Antoine (APHP)

(1) Pufall EL et al. Sexualized drug use (‘chemsex’) and high-risk sexual behaviours in HIV-positive men who have sex with men. HIV Med. 2018 Apr;19(4):261-270

(2) Tomkins A et al. Sexualised drug taking among men who have sex with men: a systematic review. Perspect Public Health. 2018 May 1:1757913918778872

(3) Batisse A et al. Usage de cathinones à Paris. Encephale. 2016 Aug;42(4):354-60

Dr Jean-Victor Blanc

Source : Bilan Spécialiste