E N décidant de créer, d'ici à 2005, une immense zone de libre-échange de l'Alaska à la Terre de feu, les pays du continent américain adressent un message à l'Union européenne.
Ils peuvent en effet se targuer de constituer un ensemble de 800 millions d'habitants, deux fois plus peuplé que les Quinze. Les Américains se sont inquiétés de ce que l'Union européenne représente l'ensemble économique le plus puissant du monde, qui leur a ravi la première place.
Profil bas des Etats-Unis
Le président Bush n'a pas encore de convictions solides au sujet des unions commerciales internationales. Son penchant naturel le dirige vers l'adoption d'un profil bas, sinon vers l'isolationnisme pur et simple. S'il s'intéresse à un élargissement de l'accord de libre-échange (Alena) qui lie déjà les Etats-Unis, le Canada et le Mexique, c'est parce que, depuis toujours, son pays considère l'hémisphère américain comme la chasse gardée des Etats-Unis, la célèbre doctrine de Monroe, qui préconise l'isolationnisme, mais est tombée en désuétude depuis la fin de la Première Guerre mondiale, faisant une exception en ce qui concerne l'Amérique latine.
Les Amériques, au demeurant, ne songent pas du tout à une intégration politique du continent, mais seulement à une intégration commerciale.
Au cours du sommet de Québec, M. Bush n'a pas hésité à mentionner son apprentissage en matière de diplomatie. « Je suis là, a-t-il dit, davantage pour apprendre et écouter. » Il voudra savoir si, avec le temps, les responsabilités de son pays à l'égard de l'Amérique latine vont augmenter. La crise mexicaine d'il y a quelques années a été résolue par une injection massive de capitaux américains. La crise brésilienne a été absorbée par la croissance des Etats-Unis. Aujourd'hui encore, l'Argentine, très endettée, risque de sombrer dans la faillite et de déclencher une nouvelle panique ; seuls les Etats-Unis pourront empêcher une tragédie qui aurait des conséquences graves dans une conjoncture de ralentissement économique.
Le bilan de l'accord de libre-échange Etats-Unis-Canada-Mexique est plutôt positif. Il s'est traduit par une relance considérable des échanges entre les trois pays avec plus de créations d'emplois que de destructions d'emplois et il ne fait plus l'objet de l'hostilité des syndicats américains. Mais le Mexique et le Canada ont des économies structurées autour de leur voisin, qui était déjà leur premier client et leur premier fournisseur avant la signature de l'accord, lequel n'a fait qu'accélérer le rythme du commerce entre les trois pays.
Quelques pays sous-développés
L'Amérique du Sud s'était organisée différemment, notamment avec le Mercosur, accord de libre-échange unissant le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay et le Paraguay. Le Brésil est plus attaché au Mercosur qu'à une expérience d'intégration commerciale du sud et du nord du continent.
La première différence entre la zone américaine de libre-échange et l'Union européenne, c'est que l'UE regroupe en totalité des pays industrialisés, alors que, en dehors des Etats-Unis et du Canada, le reste des Amériques est sous-développé. La deuxième différence est que le poids énorme des Etats-Unis empêchera toute intégration politique : les pays pauvres de l'ensemble géographique sont jaloux de leur souveraineté et soucieux de ne pas tomber dans l'orbite de Washington. La troisième est que, si le continent américain abrite 800 millions d'âmes, l'élargissement de l'UE permettra un jour de parvenir à ce nombre, mais en incluant également des pays en retard par rapport aux Quinze.
Au moins deux pays d'Asie, le Japon et la Corée du Sud, assistent avec inquiétude à ces deux vastes regroupements et cherchent à organiser les pays du Pacifique selon des normes commerciales comparables.
La fin des dictatures
Enfin, le sommet américain de Québec aura été aussi une victoire de tous ceux qui militent contre la mondialisation et qu'il faut considérer comme une force organisée et internationale, souvent subventionnée par des grands syndicats de travailleurs. Cette force s'est substituée à l'URSS dans le combat contre le capitalisme. Un des points essentiels qui ont été dégagés à Québec concerne la règle numéro un énoncée par les 35 chefs d'Etat ou de gouvernement qui étaient réunis : aucun pays des Amériques ne peut pas adhérer à la zone de libre-échange s'il n'a pas adopté un régime démocratique. Une évolution très sensible de ces dix ou quinze dernières années a fait disparaître la plupart des dictatures latino-américaines, notamment celles du Chili et de l'Argentine, dont le pouvoir a été longtemps exercé par des militaires. Le Premier ministre canadien, Jean Chrétien, a néanmoins insisté sur la nature des régimes qui feront partie de l'ensemble. Cuba n'a d'ailleurs pas été invitée. C'est, indirectement, une réponse aux activistes de l'antimondialisation : vous ne pouvez pas interdire un système choisi librement par les peuples.
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