Thrombectomie mécanique

Le maillage territorial doit être étendu

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Publié le 11/12/2017
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La thrombectomie mécanique consiste à retirer le caillot sanguin responsable de l'accident vasculaire cérébral (AVC) en introduisant un microcathéter dans l'artère encéphalique occluse. Cet acte de neuroradiologie interventionnelle est en pleine expansion depuis 2015, alors que six études internationales multicentriques (dont THRACE, financée par le ministère de la Santé) avaient montré son intérêt en association avec la thrombolyse intraveineuse (IV). De fait, associer les deux permet de doubler le taux de recanalisation des artères après AVC, par rapport la thrombolyse IV seule. « Depuis, la thrombectomie mécanique s'est développée de façon importante, notamment grâce aux avancées technologiques telles que les stents retriever (gaines qui permettent de retirer le caillot), et les nouveaux systèmes d'aspiration des caillots qui en facilitent la pratique », affirme le Pr René Anxionnat, président de la Société française de neuroradiologie (SFNR) à Nancy.

Une augmentation constante

Entre 2014 et 2015, le nombre de thrombectomie effectuées en France a augmenté de 140 % ; entre 2015 et 2016, de 50 % et ce taux est en constante augmentation. « Cela s'explique notamment par le fait que l'indication de la thrombectomie a été élargie. En effet, si elle concerne, en premier lieu, les patients dont l'AVC date de moins de 6 heures, une étude récente (DAWN) démontre que dans certains cas, cette technique peut être bénéfique jusqu'à 24 heures après. L'IRM nous permet aujourd'hui de sélectionner les patients qui peuvent bénéficier d'une thrombectomie mécanique dans ce conteste », précise le Pr Anxionnat.

Former davantage de médecins…

Malgré tout, la thrombectomie mécanique reste quasi-exclusivement réalisée au sein des 37 CHU de France. Cette technique, complexe, effectuée par des neuroradiologues interventionnels nécessite en effet une infrastructure spécifique (salle d'angioradiographie adaptée), ainsi qu'une équipe médicale disponible 24 heures/24, 7 jours/7.

Environ la moitié des actes ont lieu la nuit ou le week-end, ce qui induit une charge de travail et une fatigue importantes des équipes. « Nous devrons, à l'avenir, renforcer en priorité les équipes existantes qui pratiquent la thrombectomie mécanique et former davantage de jeunes futurs neuroradiologues interventionnels. Cette formation est longue (3 ans) et réglementée par un arrêté de compétences, souligne le Pr Anxionnat. Par ailleurs, l'amélioration de l'accès aux unités neurovasculaires et aux centres pratiquant la thrombectomie – via des moyens de transports adaptés (SAMU, hélicoptère) – et la sensibilisation de nos confrères et consœurs médecins à l'importance d'une prise en charge ultra rapide du patient, est nécessaire ».

… et ouvrir d’autres centres

En France, certaines zones urbaines à forte population (telles que Bayonne, Pau, Valenciennes, Annecy...) restent très éloignées des CHU pratiquant la thrombectomie, ce qui limite l'accès au soin des patients ayant un AVC. L’ouverture de nouveaux centres est donc envisagée. «  À Pau et Bayonne, par exemple, dans le cadre d'une étude pilote, des radiologues sont formés à la thrombectomie mécanique sous la responsabilité du centre référent du CHU de Bordeaux. Cette formation de qualité – mais plus courte (2 ans) que la formation complète à la neuroradiologie interventionnelle – est ciblée sur la prise en charge de l’AVC et la thrombectomie », confie le Pr Anxionnat.

Le relais des unités neurovasculaires

Grâce aux 140 Unités neurovasculaires (UNV) de France, les neurologues ont bien maillé le territoire. Ces UNV accueillent des patients ayant fait un AVC : elles permettent d'en améliorer le pronostic. Mais il est impossible d'installer un centre de thrombectomie dans chaque UNV. « Pour garder une bonne expertise technique, le neuroradiologue doit réaliser des thrombectomies de façon très régulière et en nombre suffisant, ce qui ne serait plus le cas en multipliant les centres. En 2017, près de 6000 thrombectomies auront été réalisées en France, mais on estime qu'entre 8000 et 12000 patients pourraient bénéficier de cet acte. Dans l'idéal, pour améliorer la prise en charge des patients, la France devra à l'avenir bénéficier d'une cinquantaine de centres pratiquant la thrombectomie (au lieu de 37 actuellement). La Société française de neurologie vasculaire (SFNV), la SFNR et la Société française de médecine d'urgence (SFMU) travaillent actuellement ensemble  pour que la thrombectomie puisse se déployer dans les meilleures conditions,  en France», indique le Pr Anxionnat.

Entretien avec le Pr René Anxionnat, président de la Société Française de Neuroradiologie (SFNR) à Nancy

Hélia Hakimi-Prévot

Source : Bilan Spécialiste