Préservation de la fertilité féminine

Le plaidoyer de Frydman

Publié le 05/04/2012
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Crédit photo : AFP

« ENTRE la congélation lente et la vitrification, il n’y a pas de quoi faire une guerre de tranchée ». Par cette boutade, le Pr Frydman tient à mettre les points sur les i. La cryoconservation et la vitrification ne sont que des techniques, aux destins certes différents. La congélation lente d’un embryon a donné lieu à une première naissance en 1986 puis est restée en jachère et, dans l’état actuel des recherches en France, est difficilement applicable à un ovocyte (ce qui n’est pas le cas en Italie, Espagne, ou États-Unis). La vitrification, beaucoup plus récente et efficace, vient d’être autorisée dans le cadre de la protection médicalement assistée (PMA) par la loi de juillet 2011.

Le débat porte davantage sur les indications de la conservation des ovocytes, qui restent floues. René Frydman en voit au moins 5 dont 2 indiscutables : la préservation de la fertilité des femmes traitées pour un cancer et le don d’ovocyte. La congélation de l’ovocyte est tout à fait adaptée à l’exigence de synchronisation entre la donneuse (anonyme) et la receveuse et permettrait même de constituer des banques d’ovocytes. La préservation de l’ovocyte pourrait aussi répondre à des situations d’urgence au cours d’une fécondation in vitro (FIV), par exemple, lorsque le sperme se révèle subitement déficitaire. René Frydman vante également son rôle comme alternative à la congélation embryonnaire. Au cours d’une FIV, il est courant d’obtenir des ovocytes surnuméraires, qui actuellement, donnent des embryons.

Un débat de fond.

Une situation qui peut se relever délicate pour des couples qui n’ont plus de projet parental et doivent décider du devenir de ces embryons surnuméraires : 20 % d’entre eux ne se manifestent pas par peur du choix. « Il y aurait une moindre tension éthique si on congèle des ovocytes et non des embryons », remarque le Pr Frydman. Reste le cas, éminemment polémique, de la préservation de la fertilité en fonction de l’âge, dite « par convenance ». « Il faut un débat de fond » avance René Frydman, qui souligne qu’une femme de 35 ans souhaitant conserver ses ovocytes sans pour autant souffrir d’un cancer, se verra opposer un refus par l’agence de la biomédecine. Pourtant, les textes n’interdisent pas, ni n’autorisent l’autoconservation. La loi française précise seulement qu’au-delà de 43 ans, la sécurité sociale ne prend plus en charge la PMA, qui est interdite après l’âge physiologique de la grossesse (48-49 ans).

Dès lors que la vitrification est autorisée, Il faudrait préciser les indications de l’autoconservationdes ovocytes, estime le Pr Frydman. Les États-Unis et l’Espagne ont déjà avancé leurs pions dans le domaine de l’autoconservation, les uns l’autorisant y compris par convenance, l’autre élargissant le cadre médical au-delà du cancer. René Frydman, sans être favorable à une utilisation par convenance au-delà de l’âge physiologique, plaide au moins pour un bilan de fertilité chez les femmes de 35 ans afin qu’elles sachent « où elles en sont ».

Dans tous les cas, rien ne devrait empêcher les recherches sur la cryoconservation des ovocytes estime René Frydman. « Nos tutelles, comme la direction de la recherche clinique et le comité national d’éthique, préfèrent souvent rester silencieuses face à nos requêtes », déplore le chef de service de gynécologie-obstétrique-reproduction de l’hôpital Antoine Béclère. Il appelle également à des évaluations indépendantes des protocoles de fécondations in vitro, notamment les plus récents (ICSI, maturation in vitro...).

 COLINE GARRÉ

Source : Le Quotidien du Médecin: 9111