M EDECINS et patients doivent porter une attention particulière au risque d'anémie en cas de régime végétarien. C'est le message que souhaitent transmettre des médecins britanniques dans le dernier « BMJ ». Le public doit en connaître l'existence, le corps médical y penser et la rechercher.
La connaissance du risque n'est pas nouvelle. Elle a même environ vingt ans au Royaume-Uni, où des anémies avaient déjà été relevées chez des femmes de la communauté punjabi. Cette même notion a servi de fil conducteur à l'enquête menée par Colin Fischbacher et coll. (Newcastle).
Les médecins britanniques sont partis des données du « Newcastle Heart Project » qui a enrôlé 825 Européens, 259 Indiens, 305 Pakistanais, 120 Bangladais et 380 Chinois, entre 1991 et 1997. La fourchette des âges était de 25 à 74 ans pour tous les groupes, sauf pour les Chinois (25-64 ans). Deux critères majeurs ont été relevés : l'anémie, correspondant à une hémoglobine < 13 g/dl chez les hommes et < 12 g/dl chez les femmes ; la consommation de viandes (buf, porc, agneau, volaille, poisson).
L'analyse est faite en deux temps. Tout d'abord, détermination des populations les plus anémiées, puis superposition avec la consommation de viande.
Les dosages de l'hémoglobine montrent, chez les hommes, les taux les plus bas chez les Européens et les plus élevés chez les sujets d'origine chinoise, avec une prévalence d'anémie identique entre tous les groupes. Il en va autrement dans la population féminine. Les femmes d'origine chinoise et du Sud asiatique ont une hémoglobine plus basse que les Européennes. Alors que seulement 1 % des Européennes ont une hémoglobine < 100 g/l, 4 % des Sud-Asiatiques sont dans la même situation. Enfin et surtout, les Chinoises ont une prévalence d'anémie 2,1 fois plus élevée que les Britanniques ; les Sud-Asiatiques, 3 fois plus élevée que ces mêmes Britanniques. Si elle régresse chez les Européennes après la ménopause, la prévalence de l'anémie persiste dans les autres groupes.
32% des Indiens
En s'intéressant aux habitudes alimentaires, les auteurs découvrent que 32 % des Indiens consomment peu ou pas de viande, un mode de vie retrouvé chez seulement 2 % des sujets des autres groupes. Au sein de cette population indienne, 23 % de ceux qui ne mangent pas de viande et 13 % de ceux qui en consomment sont anémiés. Le calcul permet d'établir à 1,86 l'odds ratio pour l'anémie chez les non-mangeurs de viande (en tenant compte du sexe, de la ménopause et de l'origine ethnique).
L'anémie dans les populations chinoises et sud-asiatiques étant essentiellement microcytaire, l'hypothèse d'une carence martiale doit être évoquée. Puisque la faible proportion de personnes porteuses des gènes de la thalassémie ou de la drépanocytose ne peut expliquer la prévalence de l'anémie, reste la possibilité d'une carence d'apport liée au régime végétarien ; 87 % des Indiens britanniques se décrivant récemment comme végétariens.
« British Medical Journal », vol. 322, 21 avril 2001, p. 958-959.
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