Si « Le Généraliste » était paru en 1899

Le scandale des wagons-bars dans les Chemins de fer de l’État !

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Publié le 11/03/2017
Histoire

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On a bien lu le titre ci-dessus : il est plus que justifié par ce fait que l’État lui-même a introduit dans ses propres chemins de fer les wagons-bars ou cabarets circulants pour lesquels il ne se gêne pas (pourquoi se gênerait-il ? Quand on vend du poison, on n’en saurait trop vendre !) de publier et répandre les réclames les plus éhontées.

Que les compagnies particulières acceptent et encouragent cette déplorable innovation qui offre à l’alcoolisation en voyage une occasion de plus à ajouter à celle des buffets avec leurs élégantes petites fioles à emporter, cela peut se comprendre, pour autant que cela soit regrettable et condamnable…

Mais que l’État, nous ne disons même pas l’État-providence, mais l’État tout court… n’hésite pas à emboîter le pas… dans cette course effrénée à la vapeur (c’est bien le mot en situation), à l’empoisonnement public, voilà qui dépasse en vérité – non pas toute compréhension car pour être l’État, il n’en est pas moins sujet à l’oubli de ses devoirs – mais voilà qui défie toute indulgence !

C’est, pour le coup, la prime volante à l’empoisonnement officiel ; comme si ce n’était pas déjà assez de laisser, sans le moindre souci, empoisonner les citoyens ! Il serait curieux de savoir – comme le demande fort à propos de son côté l’excellent journal « L’Alcool », par la plume de son directeur, M. le docteur Legrain, si l’État paie patente pour les wagons-bars qu’il a installés sur les chemins de fer ? Ce qui est certain, c’est que l’État, en bon commerçant qu’il est, fait pour ses buvettes ambulantes, des réclames qui s’étalent, sans vergogne et en promiscuité avec une compagnie particulière, dans les journaux.

Comme l’écrit aussi « La Tribune médicale », « Aux Etats-Unis, la vente des liqueurs a cessé dans toutes les stations du chemin de fer Southern Pacific. Nous savons pertinemment qu’une mesure semblable a été prise sur les chemins de fer belges. Est-ce que la France, oubliant - ce que nous nous empressons de rappeler à l’État des wagons-bars qui la représente – qu’elle tient, d’ores et déjà, la première place - le record, selon l’expression d’actualité – sur la carte noire de l’alcoolisme en Europe tardera longtemps encore à imiter cet exemple et à cesser cette exploitation qui est non seulement un honteux scandale en son espèce, mais de plus l’encouragement voire même la participation des plus coupables à une industrie qui s’attaque aux racines mêmes de l’existence nationale ? Et ne se trouvera-t-il pas, dans notre Parlement, un homme, un citoyen véritablement imbu et pénétré de sa mission et des intérêts majeurs, sociaux et nationaux dont il est chargé pour adresser au ministre compétent (celui des Travaux publics) une de ces interpellations qui, parmi tant d’autres oiseuses ou inutiles, serait d’une réelle opportunité tutélaire ? Nous n’osons guère l’espérer en ces temps de préoccupation dominante et obsédante des intérêts électoraux, noyés, hélas, dans le cabaret et le bar… et devant lesquels pâtissent et succombent les intérêts les plus sacrés de l’hygiène et de la santé publiques…

Nous dédions, en tout cas, à M. le ministre en question les faits et les avertissements ci-dessus, dont il lui est permis, et dont il lui serait facile, en sa plus légitime sollicitude, commandée par le plus impérieux des devoirs, de tirer l’indication et l’action les plus rationnelles, et de la plus haute utilité publique ».

(« Gazette médicale de Paris, 1899)


Source : lequotidiendumedecin.fr