ANTIQUITES
PAR FRANÇOISE DEFLASSIEUX
E N ce printemps frileux, les petites boules rouges sont aussi rares dans les vergers que sur les étals des marchés. Sur les assiettes, serviettes et autres accessoires du décor de la table, on s'aperçoit en revanche que la cerise est aussi photogénique, sinon plus, que la grappe de raisin.
Chronologiquement parlant, c'est sur les natures mortes françaises et hollandaises des XVIIe et XVIIIe siècles qu'on les trouve d'abord. Peut-être pas dans les baraques de brocante alignées le long du bassin de l'Arsenal, et pas non plus chez les antiquaires sous le chapiteau où l'on ne signale aucune toile de Louise Moillon ou de Jan Van Kessel, sauf surprise imprévue. Mais on y trouve leurs émules plus tardifs, comme cette jolie composition début XXe signée par Mary Golay en 1906.
Au XVIIIe siècle, le « cerise » est une couleur très appréciée pour le satin et le velours des fauteuils, ou pour les robes à paniers des élégantes. Il est moins aisé de rencontrer des cerises sur les faïences et porcelaines de la même époque, si ce n'est sous une forme transposée : le rouge vif est en effet une couleur extrêmement difficile à obtenir en céramique.
C'est seulement sur les assiettes en barbotine de la fin du XIXe qu'on voit apparaître de belles cerises rouge vif en relief. Elles s'épanouissent aussi sur les pichets, les verres émaillés, sur les capelines de paille des belles de la Belle Epoque, sur les chromos, les cartes postales. Les cerises, on les trouve aussi en paire ou en bouquet sur les carreaux des grands tabliers ou des toiles cirées des années 1950.
Et en chansons bien sûr. Celle de Jean-Baptiste Clément, avant de devenir l'hymne des communards, était une simple romance pastorale, composée en 1866, bien avant la guerre franco-prussienne. Mais il y en a d'autres, moins connues, dont on trouvera les textes et la musique chez Agnès Bidart, spécialiste des partitions anciennes.
Question prix, compter environ 300 à 800 F une assiette de barbotine 1900, entre 2 000 et 4 000 F un joli tableau pas très ancien et autour de 500 F une capeline de paille réhaussée d'un bouquet de boules rouges.
Une couleur peut en cacher une autre : avant d'être un joli fruit rouge, la cerise, c'est une branche de fleurs d'un blanc éclatant, peu utilisée dans nos bouquets occidentaux, mais très appréciée au Japon.
Vous saurez tout sur les liens ancestraux qui unissent les cerisiers et l'art japonais en allant discuter avec Simon-Pierre Jardine, spécialiste du Soleil Levant. On y apprend que la fleur de cerisier est carrément l'emblème du pays et que le fait d'aller admirer de près les cerisiers en fleurs, au printemps, est plus qu'un but de promenade, une occasion de pique-nique et un véritable sport national. Ce qu'on ne sait pas toujours, c'est que le cerisier du Japon n'a qu'un lointain rapport avec ceux que nous connaissons en Europe.
D'abord, il ne donne pas de cerises, mais uniquement des fleurs dont les geishas font de si ravissants bouquets et que les peintres tracent, d'un pinceau délicat, sur les vases de porcelaine et les objets de laque. On la trouve aussi sur les fameuses estampes (entre 700 et 3 000 F pièce) ou les inros de laque, autour de 15 000 F.
Le fil rouge cerise qui sert de conducteur à travers les 350 stands d'antiquaires et brocanteurs alignés le long du bassin de l'Arsenal n'est évidemment qu'un prétexte, une idée de jeu. La Bastille, ce sont d'abord et surtout 70 antiquaires sous chapiteau et 270 baraques en
plein air, avec toutes les richesses, les banalités et les imprévus de la brocante, mais aussi certains spécialistes que l'on ne rencontre que sur ce genre de manifestation : antiquités sportives, bijoux coutures, affiches, arts de la table, tissus anciens, barbotines, métal argenté, flacons à parfum, Arts Déco, etc.
C'est parce que cette abondance et cette variété risquent de nuire à la clarté que chaque édition propose, sans l'imposer, un thème de chine ou de collection.
Antiquités-Brocante Bastille. Du mardi 8 au dimanche 20 mai ; ouvert chaque jour de 11 h à 19 h (11 h-22 h le jeudi 17 mai). Entrée : 40 F (experts et restaurants sur place).
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