400 millions d'euros de produits illicites saisis en quatre ans

Le trafic de faux médicaments fait recette en Afrique

Publié le 23/01/2017
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Le trafic de faux médicaments a de beaux jours devant lui, notamment en Afrique, où sont vendus la majorité de ces produits illicites, le plus souvent fabriqués en Inde ou en Chine.

Selon des chiffres fournis par l'Organisation mondiale des douanes (OMD) et l'Institut international de recherche anti-contrefaçon de médicaments (IRACM), les quatre dernières opérations communes d'interception de conteneurs dans des ports maritimes africains, effectuées entre 2012 et 2016, ont permis de saisir près de 900 millions de produits contrefaits et/ou illicites, pour un montant estimé à plus de 400 millions d'euros. En tout, 502 conteneurs ont été interceptés dans ce cadre. 24 pays africains possédant des frontières maritimes étaient visés par ces opérations.

Les médicaments saisis sont presque tous de première nécessité. On y retrouve des antipaludéens, antituberculeux, antibiotiques, traitements de la stérilité, antidouleurs, anti-inflammatoires, antihypertenseurs, antidiabétiques, anticancéreux, mais aussi des traitements de la dysfonction érectile et des médicaments gastro-intestinaux. « Chaque opération s'est déroulée sur à peine deux semaines dans ces ports africains, précise Bernard Leroy, directeur de l'IRACM. Si nous saisissons 900 millions de produits en huit semaines, imaginez ce qui s'écoule le reste de l'année ! » 

700 000 morts par an

L'IRACM et l'OMD mènent conjointement ces actions en Afrique pour tenter d'enrayer un phénomène qui, selon Jean-David Levitte, président du conseil d'administration de l'IRACM, représente un tiers des médicaments vendus sur le continent.

Selon le site « International policy network », sur deux pathologies seulement – le paludisme et la tuberculose – les faux médicaments tueraient 700 000 personnes par an, majoritairement en Afrique, dans une relative indifférence des pays touchés, plus soucieux, selon l'IRACM, de percevoir les taxes des produits importés que de faire la chasse aux trafiquants.

Il est vrai que ces derniers ne risquent pas grand-chose. Bernard Leroy (IRACM) assure que, dans nombre de pays, les peines encourues sont comparables à celles prononcées « pour un trafic de fausses cravates Hermès ». L'ampleur du trafic est pourtant colossale, estimée à 80 milliards d'euros par an. L'IRACM et l'OMD s'emploient, avec l'aide de la fondation Chirac, à sensibiliser les pouvoirs publics de ces pays aux risques encourus.

La convention Médicrime à la peine

Dans le reste du monde, la situation n'est guère meilleure. La France reste relativement épargnée par ce trafic, grâce à la qualité de son réseau de distribution et de sa couverture maladie. Mais d'autres pays européens, notamment anglo-saxons, sont plus exposés, affirme l'IRACM. Des médicaments de première nécessité contrefaits auraient été signalés récemment dans des pharmacies d'outre-Rhin.

Quant à la convention Médicrime, dont les pays signataires s'engagent à criminaliser le trafic de faux médicaments, « elle présente certaines faiblesses », admet Bernard Leroy. Les Américains ne la ratifieront pas car il s'agit d'un texte d'origine européenne. « À terme, analyse le directeur de l'IRACM, il faudra que l'ONU adopte une convention sur ce sujet ».

Henri de Saint Roman

Source : Le Quotidien du médecin: 9549